• que nous reste t-il de cette impermanence des choses, soustraite aux péripéties dévoyées du monde.

    sans bruit sans vent, comme le sel et l’eau de notre Terre, nous perdons insensiblement notre langage

    réduit à son élémentaire grognement, détourné par d’astucieuses manœuvres sémantiques, nous voilà de plus en plus dépouillés de notre verbe

    il a fallu rompre des peuples entiers à un sabir commun

    pour qu’ils perdent leur identité et leur résistance

    pour qu’ils restent muets

    pour que leurs rires et leurs larmes ne s’entendent plus

    jusque dans nos campagnes nos accents se sont tus pour aligner ces nuances, ces différences, qui remplissaient les champs et les villages de ces patois aux goûts de terre de lumière de rivière et de labeur…

     

    dans le ventre de nos mères

    nous, les fœtus, les embryons de ces terres de frontière nous apprenions leurs accents parlant de rêves et d’espoirs d’épreuves et de retenues

    ce verbe aux terminaisons étirées et écaillées prenaient racines dans nos petits corps qui devenus enfants se virent sévèrement réprimander par l’autorité étatique l’utilisation de ce qui nous était le plus familier

     

    et pour ne pas en souffrir nous nous mîmes à ignorer ces mots

     

    nous avons alors oublié d’écouter le souffle du vent

    oublié d’entendre les bruissements du monde 

    perdu le chant des vagues l’élégie des profondeurs

    égaré la modulation des simples

    condamné la beauté des fleurs

    le soupir de la terre

     

    nos mots s’asphyxient d'ignorance

    démasquant sans illusion notre aveuglement

    nous peinons à nous discerner à nous comprendre

    perdant notre garantie de survie nous sommes devenus sourds au mystère 

    de ce langage

    sourds à la vie

    sourds aux autres

    le monde n’est pourtant que bruit, son, murmure, souffle, parole, musique, froissement agitation, silence

    un vocabulaire sans limite que même une langue dessinée ne peut calligraphier

     

    ma main s'ouvre sur la terre des montagnes

    j’ attends la forêt, les herbes folles et le chant du grillon

    une odeur de mousse traverse la vallée

    un battement de cils

    ma main se referme vide et pleine

    de ce langage universel

     

    jour et nuit, écrit le poète japonais, les fleurs en tempête descendent de la

    montagne

    une solitude que peuple la voix du vent dans la cime des cèdres


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  •  

    il fait si froid ce soir

     

    la glace embrase mes veines caleuses alors que le monde s’asphyxie dans sa  démence mythomaniaque....

     

    je regarde la forêt s'effacer dans cette nuit sans lune où règne un silence de tombe

     

    et ses couleurs d'automne qui roulent dans un ciel aussi perplexe que mes pensées.

     

    ses mousses, ses lichens comme des fantaisies qui frappent à l'entrée du bois, s'étalent sans exigence sur la roche granitée et le bois mort

     

    imperturbables depuis des millénaires aptes à résister aux conditions les plus rudes ils se multiplient par vents et pluies, insectes et bactéries

     

    indomptables pionniers ils réveillent les battements du sol et lancent un appel sans frontière à tout ce qui veut ou peut pousser

     

    du grand art, de l'enchantement, de la fascination, qu'importe le mot, puisqu' il n'y en aura de toute manière aucun qui puisse être à la hauteur de cette indépendance,  de cette conquête de tout ce qui fait surface.

     

    ils prennent le temps pour se faire

     

    le temps n'a aucune existence pour les mousses et les lichens

     

    depuis des millénaires ils se construisent dans l'abnégation la plus discrète, attendant leur moment de visibilité dans les coins les plus secrets du monde

     

    il m'arrive parfois de confondre ma respiration avec celle des oiseaux et saisir sans nuance l'indifférence des arbres

     

    que j'en oublie l’allégeance forcée à ma condition humaine

     

    condition dont j'ai honte ce soir

     

    faire partie de cette espèce préjudiciable sans avenir, sans relief, dilapidant le peu de génie qui lui reste dans un renoncement de soi pour quelques artefacts, quelques Bêtises Artificielles proposées, grignote mes dernières attentes

     

    j'ai honte, oui honte, des guerres, des génocides, des mensonges, des haines perpétrées avec acharnement pour justifier sans gène des comportements pernicieux sous des ordonnances funestes

     

    j'aime alors rêver de forêts immenses où bruissent entre feuillus et résineux les palpitations étouffées des collemboles et tardigrades, où crustacés et myriapodes se contentent de respirer dans quelques îlots de sénescence...

     

    entendre ces odeurs d'humus et de pourriture qui encombrent les sentes sombres et étroites... quelques crottes de renard puis de chevreuil, dans l'espoir de celles d'un lynx devenu mythique à force d'absence

     

    et pour ne pas me perdre indéfectiblement dans mes songes, laisser un certains courant d'air venu de la noblesse de ces souverains verts inflexibles au temps, apporter les quelques gouttes de pluie nécessaires à tout renouveau

     

     

     

     

     

     


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  • le temps est au regard contemplatif ce que la brume est à la montagne

    un instant furtif qui flotte dans le décor

    mais aujourd’hui le décor brûle, se noie s’assèche, se déforeste, se pollue ou se massacre

    pourtant lorsqu’on laisse faire

    le long du chemin l'herbe pousse tellement haute qu'elle touche le bout des doigts

    quelques odeurs nouvelles remontent vers les pensées

    j'avance et cherche à les deviner

    j'ai la mémoire de mes ancêtres et dans le parfum de ces herbes le temps des souvenirs insolites

    un tableau si difficile à réaliser

    à l’heure où les images s’effacent de ce monde en crise les nuances du temps façonnent un paysage farouche où le vent, nuit et jour balaie les derniers regrets

    que restera t-il demain de ces images

    ce monde séquestré consume nos rêves nous laissant orphelins de nous mêmes

    le ciel prend aujourd’hui des couleurs funestes et l’art de vivre un relent de produit marchand

    à force d'observer les oiseaux je me suis mise à regarder les arbres

    à force de regarder les arbres je me suis égarée dans le ciel

    j'ai retrouvé les oiseaux et suis revenue avec eux me percher sur les branches des houppiers puis j'ai regardé à l'envers

    j'ai aperçu les mousses et les lichens

    ceux qui poussent au nord des troncs

    ceux qui hésitent au sud

    ceux qui ondulent dans l’air

    ceux qui s'étirent en longues barbes gris-vert nourrissant notre imaginaire

    ceux qui ne sont qu'algues

    ceux qui sont algues et champignons

    puis je me suis penchée davantage et j'ai vu, un monde de plus en plus petit, de plus en plus actif, un monde de lois et de règles, d’union et de désunion, d’accord et de désaccord où chacun cherche une place à la hauteur de sa taille

    du lierre, dont le pied peut atteindre quatre cents ans sans jamais altérer la vitalité de l'arbre sur lequel il s'appuie

    à l'arbre lui même, dont on ne compte plus l'âge

    tout s'équilibre et tout intimide

    le monde de la forêt est un univers cosmopolite où chacun a un rôle déterminé, précis et régulateur, un rôle qui nous exclut, nous les humains, incapables que nous sommes d'écouter et de voir sans vouloir tirer profit

    monde mystérieux sous bien des angles où les prédateurs deviennent les proies où le cycle imperturbable de la vie génère des adaptations totalement inattendues où tout coopère où les êtres vivants d’une forêt libre tissent entre eux des liens dont nous ignorons presque tout

    ici les lois des contraires sont imparables et l'harmonie qui vient du désordre nous montre combien tout est nécessaire pour que ce monde perdure

    alors levons nous pour défendre nos forêts, nos terres nos sources nos rivières nos océans... car nous sommes la révolte qui ne se mettra jamais à genoux


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  •  

     

    petite fille

    j'écris ces mots pour toi

    pour toi si minuscule devant l'impermanence de ce monde cruel

     

     

    comme une partition

    comme un requiem

    que nul musicien ne peut interpréter

     

     

    les larmes sur ton corps

    que je ne peux voir

    sur ton visage enfoui dans le sable

    de cette plage meurtrière

    où l'on t'a trouvée

    un jour sinistre de décembre

     

    je garde l'empreinte

    de ta dépouille emprisonnée dans ton anorak rose

    comme un cauchemar

    comme un fantôme qui ne quitteront plus mes pensées

     

    juste une photo

    et tout s'effondre

     

    dans ma tête dans mon corps

    reviennent en boucle

    les images de tous les enfants de ton âge

    que j'ai connus

     

    leurs rires

    leurs hésitations

    leurs mains tendues

    leurs pleurs

    leurs regards si présents

     

    tu avais la peau noire

    et tout juste trois ans

     

    la mer t'a pris les joies que tu ignorais encore

    et certainement tes parents

     

    d'autres corps

    autour de toi

     

    tu avais trois ans

    peut-être moins

    peut-être plus

     

    dans ton anorak rose

    ventre à terre

    sans même connaître ton nom

     

    petite fille

    tu hantes mes jours et mes nuits

     

    alors que tu es morte dans l'indifférence la plus infâme

     

    dis moi petite fille

    sommes nous devenus de tels monstres

    pour te laisser mourir

    sans amour ?

     

    dis moi petite fille

    dans ton anorak rose

    l'empreinte de ton souffle

    glissera t-elle éternellement 

    sur les vagues de cette méditerranée

    maudite?

     

    j'attends que viennent l'heure des jugements et des condamnations

    je suis trop vieille pour les voir exécuter

     

    mais jusqu'à ma mort et même après

    par ma pensée et ma détresse

    je traquerai ces monstres qui t'ont assassinée

     

    petite fille

     

     

     

    dans ton anorak rose... petite fille

     

     

     


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    sur l'estampe

    ce matin

    sans pinceaux ni papier

     

    quelques nuages enchaînés aux arbres

    et trop de rêves agités

     

     

    les soupirs d'une montagne sans marge

     

    je reste ce qui reste

     

    sans voix sans souffle

    des songes entre clair obscur

     

    cherchent le loup

    au milieu d'une prière impossible

     

    chaque nuit

    chaque jour

    coopèrent pour que le fauve reste fauve

     

    sa métamorphose inachevée demeure un chef d’œuvre

     

    au petit matin sombre et humide

     

    la terre se ballonne entre les racines

     

    vers la source

    comme une provocation

    déterminée

    courageuse

    et pudique

     

    l'appel d'un lynx....

     

    de ma bouche

    interdite

    rien qu'une buée chaude

    cloquant  l'air

     

    le silence est intenable

    j'écoute

    j'écoute

    pour entendre

    voir

    sentir

     

    oreilles tirées vers l' inconnu

    narines dilatées

    et tous ces doigts persécutant la laine de  mon pull

     

    comme une éternité

    quelques secondes de plus

    et l'appel se réitère trois quatre fois

     

    tableau d'hiver

    noir sur gris

    tout espoir devient illusion

     

    j'ai peur pour la bête

     

    période de chasse

    de trouble

    de crainte

    de colère

    et de coups de feu

     

     

    le chien me regarde

    sans bouger

     

     

    la forêt change

     de forme

    de goût

    d'indignation

     

     

    pourrai- je enfin connaître son héritage

     

    marcher sur les mousses profondes

    recommencer encore et encore

    cette estampe invisible

    sans papier ni pinceaux

    et entendre

    une fois de plus

    l'appel du lynx

     

     

     

     

     


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  •  

     

    les communs, le bien commun, et en commun

     

     

    de notre planète en désolation s'élève un cri d'urgence que nous

     

    relaient sans réserve l'air que nous respirons l'eau que nous buvons

     

    le sol que nous foulons

     

     

     

    pendant que notre regard s’arrange avec notre mémoire pour éviter de

     

    négocier nos ambitions, Forêts et Océans s’éclipsent de nos têtes

     

     

     

    les traces du Lynx tremblent dans celles du Loup

     

    le vol feutré du Grand duc s’égare sans refuge

     

     

     

    la petite Nyctale a perdu son hiver

     

    la Luciole sa lumière

     

     

     

    Rien ne nous appartient

     

     

     

    mais nous voulons tout contrôler

     

     

    L’incertitude guette notre monde furtif

     

     

    nous ne comprenons plus rien

     

     

     

    nous épions tout ce qui respire étendant nos recherches

     

    jusqu'à en perdre la raison

     

     

     

    nos peurs s'allongent sans frontière

     

     

    peur de nous

     

    peur de tout

     

     

     

    de l’arbre qui pousse

     

    de celui qui meurt

     

     

     

    de notre passé

     

    et plus encore de notre futur

     

     

     

    peur de la vie

     

    de la mort

     

    d’aujourd’hui et de demain

     

     

     

    de nos cerveaux en péril

     

     

    d’une nature diminuée

     

     

    d’un espace encastré

     

    géré

     

    contrôlé

     

    surveillé

     

     

     

    mais rien ne nous appartient

     

     

     

    oublions ce « je »qui nous enferme

     

    et construisons ce « nous » qui nous libère

     

     

     

    rien ne nous appartient

     

     

     

    à l’heure où la rosée porte sa moiteur à la surface d'une terre

     

    effritée 

     

     

    réconcilions notre présent avec notre futur

     

    convertissons notre égoïsme en altruisme

     

    métamorphosons nos peurs en audace

     

     

     

    essayons d'être au moins une fois dans nos vies dignes de notre

     

    espèce

     

    d'un futur possible

     

    pour cette relève silencieuse qui ne sait plus quoi attendre

     

     

     


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  •  

     

    Sur cette terre où poussent entremêlés de fougères et de ronces

    impérieuses, quelques jeunes arbres rompus à la rudesse des saisons, la

    montagne perd sa patience et tire ses dernières limites bien au delà de ses

    illusions communes.

     

    ici, dans ces vallées étroites, ces reliefs abrupts, au  soleil assassin et aux

    pluies meurtrières naissent et meurent sans alternative toutes les

    déterminations rebelles d'un peuple que je souhaite éternellement

    désobéissant.

     

    à travers l'histoire de ses versants, de ses restanques abandonnées, de ses

    ruisseaux intimes, on peut, les jours de grand silence entendre la

    complainte des révoltés...

    le vol étouffé de la hulotte

    la balade décidée du hérisson

     

    est-ce le relief qui a forgé ce peuple fier et austère ?

    ou

    est-ce ce peuple qui a sculpté, à force de résistance, ces pentes capricieuses, où se remonte sans compter, chaque pierre ramassée ?

     

    il y a si longtemps déjà,  mes pas se sont arrêtés là, un jour d'hiver, sur ces

    montagnes sauvages

     

    et toujours ce besoin primitif de rêver un autre monde....

     

     

    certains cauchemars pourtant hantent la vallée

     

    du Larzac aux Cévennes 

    il n'a suffi que d'une manœuvre étatique et militaire

    pour qu'entre pins et châtaigniers

    se pressente

    une odeur toute nouvelle de guerre et de poudre à canon

     

     

     

    vêtus de leurs uniformes d'ayant droit à tout...

    assignés à l'absurde

    képis blancs et  grenades à sept flammes

    se sont installés sur cette terre dissidente

     

    violant de par leur présence une vallée et son histoire toute entière

     

    privant d'un futur certain

    un jardinier-paysan-éléveur-rêveur

    devenu sans avenir

     

    transformant lentement

    les pierres polies par les rêves et les nuages

    d'une vieille ferme cévenole

    en bastion d'hostilité..

     

    la rivière s'assèche sans attendre

    la vase s'installe  dans nos têtes nos cœurs  nos poumons

    les poissons meurent sans prière

     

    le monde de la forêt s'éclipse dans la fournaise

     

    et le vent chargé de malaise dans un dernier espoir

    rappelle sur son passage

    qu'un peuple qui désobéit est un peuple qui réfléchit

     

     

     

     


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  •  

     

    ne plus rien dire, retenir son eau comme on retient son désespoir.

    les arbres se retirent en silence dans l'ombre de plus en plus impossible de

    leurs voisins.

    la chaleur torpille toute résolution de lutte.

    Pour eux pour nous, pour cette terre qui saigne notre nocuité, notre

    lourdeur au changement, pour ma fatigue qui ne me lâche plus, je blêmis

    de colère.

     

    depuis des mois

    le soleil

    dans ce coin de montagne

    s'acharne sur tout ce qui respire.

     

    l'air est brûlant, la poussière se glisse dans mes soupirs

    la forêt se contracte dans ses dernières réserves.

    chaque matin le constat se fait de plus en plus sévère. Les houppiers

    condamnent leur volonté de pousser dans la fadeur des flétrissements.

    alors que de jeunes arbres meurent au pied de ces guerriers, d'autres

    tentent un dernier affront contre cet été intraitable.

    ils seront les seuls à prétendre gagner cette place qu'un monde négligeant leur usurpe.

     

    pousses de l'année

    les seuls plans de sauvetage

    tiennent dans un arrosoir

     

     

     

     

    j'aimerais tellement 

    rire

    jusqu'au vertige

    de cette folle envie de vivre

    à l'ombre d'un géant

     

     

     


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  •  

    d'ombre et de lumière ...

    marchande de mythe et de chimère

    aux  coups de pinceaux préoccupés

     

    ciel sombre sur fond gris

    Noir

    peut-être

    pour un avenir dissident

     

    et cet horizon perplexe

    qui

    conteste ce qu'on lui impose

     

    cherche une ordonnance

    une esquisse

    pour une estampe égarée

     

    le monde s'efface

    rien ne bouge

     

    la montagne s'incline

    davantage

    ce soir

     

    fatiguée

     

    laissant les fleurs des cerisiers

    divaguées

    vers un été mutilé

     

    bourdonnent encore

    d'une détermination bornée

    les trois ruches insoumises

     

    de la montagne rebelle

    je me répare

    sans promesse

     

    pour un autre combat

     

     

     

     

     


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  •  

     

    froid souverain

    d'un matin d'hiver

    à la splendeur farouche

     

    regard plongé en avant

    de mes idées blotties dans les rêves

     

    j'allume mon poêle et attends...

     

    rien de plus beau que ce paysage alangui

    indompté

    flottant dans la buée chaude de mon esprit

    empêtré de la nuit

     

    j'attends

     

    sous le soleil feutré

    que se déplient mes pensées paresseuses

    que s'étire ce plaisir d'être toujours là

    conjointe de cette montagne rebelle

     

    c'est d'ici et d'ailleurs dont je vous parle

    de ce chemin que je trace

     

    chaque jour inexploré

    chaque instant où je saisis mes pinceaux

    mes gouges

     

    tourne la page 

    tire le rideau

    ouvre la porte

     

    et fais sécession d'avec le monde d'avant

     

    j'apprends

    par le regard du chien

    couché devant la porte

    que survivre dépendra de cette évidence

     

     

    j'entends

    là haut si loin de tout

    la tempête et le fracas des rebellions

     

    ici

    si près de tout

    j'entends

    la supplique désenchantée des dissidents

     

     

     

     

     


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  •  

    lorsque les heures s’effacent

    le rouet prend la relève du temps

     

    le fil se construit lentement

    autour d'une cadence

    d'un chant

    de tout ce qui me manque

     

    je n'ai pas de clan

    je n'ai plus d'ancêtres

    je n'entends plus le verbe de ma mère

     

    orpheline

    je me glisse sans bruit

    dans ma montagne, dans  ma forêt

     

     

    mon refuge

     

     

    et le rouet reprend son rythme

    la bobine enfle de ce fil

    si fin

    si régulier

     

     qui

     

    pour  les dieux de la montagne

    n'a pas encore atteint

    la perfection

     

     

    le cri

    d'un pic noir

    et un second

    en réponse

    pour me dire

    qu'il me faut

    encore

    et

    encore

    tenir

    sans relâche

     

     

     

     

     


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  •  

    Afghanistan, un monde de plus s'en va, sous nos regards inquiets. La tête pleine de doute, le cœur gonflé de larmes, hier, aujourd'hui et demain, ont asséché assèchent et assécheront davantage mes quelques rares espoirs enfouis.

    Dans mes montagnes où le vent exige de la terre toute la  retenue dont elle se sait capable, où le temps répudie chaque instant contrôlé, où la pluie résonne comme un appel à la mémoire, je me sens en cette fin d'été terriblement démunie.

    C'est une évidence notre monde délétère doit s'effacer. OUI, mais à quel prix ?

     

     

    Chaque guerre déclarée, chaque exil imposé, arrachent à mes songes ces cauchemars que je n'arrive pas à affranchir de ma mémoire...

    Une guerre, un conflit, des affrontements, condamnent des générations entières à des désenchantements imprévisibles

     

    Les humains sont maudits...

     

     

    Par la fenêtre de mon atelier brille un soleil de fin d'été.

    Rien ne bouge.

    Sans mouvement les arbres attendent les heures plus douces pour frémir de soulagement.

    La laine filée bouillonne doucement dans son bain de teinture aux fleurs multiples cueillies dans mon jardin.

    Les oiseaux, après le dur labeur du printemps et de l'été, reviennent vers la maison et la caravane. Ils savent qu'ici le monde a cessé de suivre les turpitudes insensées.

    Ils savent tant de choses que j'ignore...

    Oiseaux, plantes, arbres, et tout le monde sauvage qui les accompagne  sont les seuls savants que je respecte.

    Un vol de guêpiers s'est arrêté quelques jours au dessus de la montagne, partageant en souvenir de leur existence leur dernier chant de voyage.

    Bientôt, ils traverseront une méditerranée meurtrie et meurtrière pour passer l'hiver sur un continent détruit, sans même frôler notre détresse. Et c'est  pourtant notre inconstance qui les assigne à un destin funeste...

     

    Alors OUI, il faut que ce monde de haine, de violence, de prétention, de connaissance toxique disparaisse.

     

    la mer saigne mes nuits

    une odeur de rêve bouilli

    refroidie

     

     

     

     

     


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    et la pluie tombe sur la forêt comme des notes de musique que chaque arbre illustre avec intuition. Puis la brume dissimule cette invariable respiration  au fond des mousses et des lichens où nul ne s'égare.

    je me perds si souvent  dans ce chant sans prière,  que j'en oublie mes rêves.

    j'ai renoncé à m'en rappeler

    je reste là, les mains plongées dans la terre de mon jardin, les regardant besogner  comme si elles ne m'appartenaient plus.

    le temps les a creusées, crevassées, noircies à la perfection... certaines blessures ont rendu quelques zones de peau insensibles, mais ces mains ont suivi les courbes de la terre, de la montagne, de l'histoire sans jamais se résigner.

     

    Elles ont enlacé deux générations d'enfants et une forêt toute entière.

     

    déformées gonflées, fatiguées, brûlées par le vent et le soleil elles se referment parfois avec lenteur sur les outils et les pinceaux.

    Elles ont pris la forme du relief, l'odeur de la poussière, la couleur des profondeurs qui les entourent.

     à travers mes mains se soustrait toute une légende, qui se consume dans l'ombre d'un monde sans espoir.

     

    point de lumière dans le sous bois

    quelques arbres obstruent le passage

    il suffit de laisser faire


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  • sous la neige ce matin

    la caravane

    un igloo sans banquise

     

    ni ours ni loup d'ailleurs

     

    j'en rêve pourtant

    les yeux ouverts

     

    la porte craque sous le gel

    moins un dedans

    et dehors ?

     

    dehors

     

    aucune importance

    le chuintement de la neige

    m'en raconte bien plus

     

    le brouillard grimpe dans les arbres

     

     légèreté  assassine

    à la limite du levant

     

    ne laissant au moral

     

    que ces interminables variations

     

    titubantes dans ce blanc

    trop blanc

    pour mes pensées sombres

    trop sombres

     

     

     


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    grain de givre  au bout des arbres

    un vol de corbeaux

     noircit le décor


     

    d'un frisson

    la brume 

    digère

    l'horizon

     

    quelques îles 

    sur cet étrange buvard

    naviguent en lavis

     

    emportant

    monts vaux

    et enfin

    l'estampe tout entière

     

     

    travestis en flottement

    les pinceaux improvisent

    des rêves

    sans modèle

     

     

    le monde semble naître et mourir

     

    renaître  sans servitude

     


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