•  Des montagnes, poussées par les vents de printemps, les fleurs des cerisiers descendent dans la vallée. Chaque matin, la forêt dessine l'image du jour, soignant avec détail l'évolution de chaque fleur en quête d'éclosion. L'éternelle métamorphose de ce tableau donne à cette œuvre  une notion inaccessible de l'infini que lui confère avec élégance l'expression de l'art parfait , de l'art sans condition, de l'art souverain.

     Au milieu du jour, lorsque le soleil encore fébrile par sa longue réclusion nocturne, enveloppe les arbres en fleur de ses premières  chaleurs, un bourdonnement exponentiel prend d'assaut la montagne toute entière. Les fleurs invitent les abeilles à venir les prospecter. Tout est mis en œuvre pour que les transactions se fassent dans les meilleures conditions... et chaque année, seul le mauvais temps peut mettre en péril cet accord parfait. Cinq ruches envoient tous les matins ses butineuses à la recherche des meilleurs produits du terroir et la distance ne les effraie nullement... Quotidiennement, j'apprends à connaître ces petites téméraires. Allant au rucher observant leurs manœuvres sans jamais les déranger, je m'approche de leur lieu de vie  et  leur parle tranquillement tout en m'installant à leurs côtés.  Leur acharnement à la tâche reste un mystère comme bien des choses qui les concernent. Elles restent propriétaires de leur savoir, de leur secret. Elles sont les plus menacées de leur espèce et aucune supposition autour de leur disparition ne pourra jamais mieux expliquer qu'elles, ce que ce monde désespérément  inculte leur fait subir.

     

    le jardin ouvre ses portes

    au sourire des jeunes enfants

    au gardien qu'ils fabriqueront

     

     

     


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    frontières bouclées

    jusqu'aux enfants épuisés

    la mer est cruelle

     

     

    camp de concentration

    le printemps

    lui même est anxieux

     

     

    dans la boue du camp

    une main de poupée

    crie à l'aide

     

     

    sommes nous maudits

    pour ne rien voir

     

     

     

     

     

     


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    pointes de pinceau au dessus des nuages

    les pins s’étirent sans fin

    au soleil

     

     

     


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    quelques crottes nocturnes

    derrière la yourte

    le mystère gagne un nom

     

     

     

     

     


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    L'autre ! mais qui donc est l'autre ? Cet homme, cette  femme, cet enfant, que je ne connais pas, ce voisin bruyant ou silencieux, cet ami que j'aime, cet ennemi dont je me méfie. L'autre encore, est-ce cet arbre qui plonge ses racines sous mes pieds, cette  plante peut-être bien trop subtile pour que je la comprenne, cette araignée qui balance ses fils à tout vent,  cet oiseau qui les attrape pour parfaire ses plans d’habitation provisoire. Oui l'autre, quelle étrangeté n'est ce pas ? L'autre, celui dont on n'a tant besoin, celui sans qui nous n'existerions pas. L'autre, cette notion qui nous rend infinis, cette pluralité qui se manifeste dans chaque atome de notre corps. L'autre, cette contradiction indispensable à notre réflexion... L'autre, celui qu'il nous faut protéger avant nous même, celui qui nous guide et nous donne forme et relief. Sans lui, nous ne sommes rien, pas même un souffle de divergence, pas même un atome d'identité, que du vide sans influence, sans intérêt. L'autre, juste l'autre, pour ne jamais oublier que sans lui, nous ne sommes rien...

     

     

     

    faisant la morte

    au bout de son fil

    ses huit pattes en étoile

     

     

     

     


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    femme inconnue

    le noir absolu de son drame

    neutralise toute la photo

     

     

     


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    cette saison

    où le jardin me convoque

    pour son réveil

     

     

     


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    Je pose mes pinceaux sur la table tout juste éclairée... Il fait nuit depuis longtemps et mon travail reste en sursis. Je ne suis pas satisfaite de ce que je fais, mes pensées sont chargées, elles encombrent mes mouvements jusqu’au bout de mes pinceaux. Mon inquiétude se voit dans les couleurs que je choisis, dans le tremblement de mes doigts qui perdent leur précision. Cette nuit soudain m'oppresse. Une ombre s'installe à côté de moi, je n'ai pour l'instant aucune force de la combattre. Il me faut l'accepter comme un "état d'urgence" imposé, comme une guerre établie par des caciques peu scrupuleux.

    Mes regards se portent sans cesse sur ce monde en plein désarroi. Mes yeux se gonflent de larmes en voyant les conséquences de notre gargantuesque gabegie. Laissant en friche un partage indispensable à notre évolution, et en  guise de bannissement un individualisme cannibale à la solde des tyrans, l'intelligence collective nécessaire à notre pérennité disparaît. Les politiques qui nous gouvernent, sont à l'image des peuples qui les érigent au pouvoir... Chacun cherchant à tirer profit de tout et de rien. D'autres, renouvelant par mille artifices toutes les mesures indispensables à leur domination. On ment, triche, trompe, arnaque, fraude abuse, vole, viole, pille, accuse, détourne, sans scrupule, sans honte, pire encore, on en tire une certaine insolence. La liberté s'enlise, l'égalité, comme la démocratie n'ont jamais existé que dans l'esprit de ceux qui les  détournent. Quant à la fraternité, elle se fond dans un consensus sans forme et sans relief.

    Réfléchir ne nous est autorisé que sous condition. Défendre les dernières merveilles de notre planète nous accuse de terrorisme. Dénoncer le dysfonctionnement qu'on nous impose nous assigne à résidence.  De l'éducation nationale encombrée de ses collaborateurs naïfs, responsables de ce pogrom intellectuel travesti en programmes hasardeux,  aux intellectuels eux mêmes démunis à force d'insuffisance culturelle, s'organise en silence un effroyable suicide collectif dont nous sommes tous les victimes et les bourreaux.

    Nous mangeons mal, nous dormons sans rêve, nous vivons abrutis par des conditionnements obsolètes, nous sommes malades de tout et de n'importe quoi. Gavés de psychotropes, nous abandonnons nos émotions à la charge d'un self-contrôle débridé. La détresse envahit nos assiettes et nos oreillers, grignotant notre mémoire pour moins de lucidité.

    Et pourtant il nous reste tant à apprendre, à découvrir, à redécouvrir, à inventer, à réinventer. En avons nous encore le temps ? Pouvons nous encore croire à un quelconque changement ?...  Qu'importe, car  nous pouvons bien plus,  nous pouvons réveiller nos mémoires, stimuler notre écoute, désengourdir nos envies, ressusciter nos goûts, nos instincts, nos sensibilités. Nous avons la responsabilité et l'urgence de redresser nos corps épuisés, nos têtes alourdies de pollutions circonvenues et de reprendre courageusement le chemin que nous n'aurions jamais dû abandonner.

     

    table de travail

    les pinceaux usés

    parlent de retraite

     

     

     


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    Elle est ainsi, brute et sauvage, maintenant son équilibre provisoire dans quelques marginalités imprévisibles. Célébrée pour sa grandeur, elle reste sourde à nos éloges et n'en fait qu'à sa tête.  Le moment opportun à ses alternances nous submerge de questions primaires. Divergente, mystérieuse elle ne dévoile rien de ses limites. Elle nous surprend souvent, nous interroge sans cesse, nous abandonne régulièrement à notre défaillance.

    Indescriptible, elle ne porte aucun qualificatif supplémentaire. Elle est tout simplement unique, et génère ses propres lois. Dans son centre tout s'agite, se bouscule se renverse... Les fréquences qui lui donnent vie, interfèrent  nos esprits  dans des distorsions à peine soupçonnées. Elle nous affole, elle nous repose, colore nos jours, mouvemente nos nuits, ne cherche ni à plaire ni à offenser.

    Elle nous survivra, puisqu'elle a ses propres notions d'existence. Il nous faut juste la connaître sans la détruire, l'écouter sans la perturber, la sentir sans la polluer, la laisser reprendre ce que nous cherchons à lui soustraire, son indéfectible beauté, son étourdissante lumière qu'elle partage avec les ombres dans un équilibre parfaitement désintéressé.

     

     

    cris d'oiseaux

    sur la lande déserte

    la terre parle au ciel

     

     


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  • Les jours se rallongent enfin, mais le temps reste coincé entre deux saisons indécises. A l'image du chaos qu'il nous ait de plus en plus  difficile d'ignorer, le monde se surprend lui même de ce qu'il génère, un peu comme s'il se découvrait lui même devant tant d'incohérences imposées.

    Le calme des abeilles m'inquiète. Je colle mon oreille contre chaque ruche du rucher, pour être sûre que ces petites sauvages que je désire garder ainsi, sont toujours là bien vivantes... Je les entends ventiler pour leur survie. Leur existence et leur témérité me réjouissent. Elles semblent avoir surmonté cet étrange hiver qui  leur a accordé si peu de repos.  Fortes de toute la récolte de miel que nous leur avions laissée, pour les aider à traverser cette période en suspension, elles attendent leur heure de sortie avec une patience hors épreuve.

    J'apprends à les connaître, à les écouter, à les guider. Cela n'est pas simple, et laisse beaucoup de questions  sans réponse. Pourtant je reste sereine et sans  inquiétude, parce que je sais au fond de moi que dans l'ordre des choses considérées, elles aussi, sauront m'éveiller et me guider vers une complicité éclairée.

    La grive draine a repris son chant si doux à mon cœur. Je l'entends inlassablement flotté dans les airs toute la matinée. Puis elle se tait, laissant à d'autres, l'espace sonore nécessaire à leur exaltation prénuptiale. Ces chants traversent mon existence avec douceur et je consacre toute mon énergie à les garder dans ma conscience.

     

     

    sans hiver sans printemps

    aujourd'hui encore

    la pluie tombe froide

     

     

     


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    La guerre est là dans nos villes, nos villages, nos nuits blanches, nos jours remplis de grisaille. Elle ne pense rien, ne sent rien, ne dit rien. Mais elle là, à  attendre son heure de gloire. Elle se balance au dessus de nos têtes, visible et invisible reniflant nos peurs, nos angoisses. Persiflant dans son désœuvrement quelques menaces quelques provocations, elle nous habitue progressivement à son haïssable existence. Nous refusons de la voir et de l'admettre. Nous souhaiterions qu'elle s'immobilise à jamais loin de notre histoire. Mais c'est le moindre de ses soucis, elle sait qu'elle n'a rien d'autre à faire qu'à attendre, nous attendre.

    Au dessus de l'immense  mer de nuages qui couvre les plaines du Sud, le soleil brûle les yeux et les joues de ceux qui la regardent... Il fait une douceur à lézarder n'importe où. Aucune envie de résister à tant de plaisir. La lumière et la beauté étourdissantes brillent à la limite de la réalité, jusqu'à l'improvisation d'un recueillement. Il règne là, sur ces montagnes de Lozère, un silence embarrassant... Le pays a provisoirement disparu dans cinq cent mètres d'inconsistance. De cette submersion temporaire, quelques sommets de plus de 1400 m d'altitude se dorent au soleil comme des îles perdues sur un océan vierge. Et les Alpes tout loin à l'Ouest exhibent leurs pointes enneigées. Sans vent, l'immobilité de cette blancheur donne peu d'espoir de changement. L'immensité crayeuse semble couvrir tout, jusqu'à la méditerranée et rejoindre l'autre continent. Il nous faudrait des raquettes à nuages et un ange gardien pour faire les premiers pas sur cette texture insaisissable, alors que le ciel infiniment bleu glisse sur cette composition éphémère, donnant aux rêves encore permis un peu de réalité.

     

    mer de nuages

    tout le pays a disparu

     

     


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  • Grignotant un peu de jour, avant que celui-ci reprenne sa lente progression vers le solstice, la nuit allonge encore de son ombre froide les quelques minutes matinales que je souhaiterais déjà voir lumineuses... La pluie froide semble porter la neige en son sein... Elle tombe lourde et glacée sur la toile de la yourte, roule au bord du cercle et s'enfonce  pesante dans la terre souple. Élément indéfini, j'entends  la mesure de son poids écrasant et devine qu'il a neigé pas très loin. Dehors la brume étouffe tout. J'ai l'impression d'avaler  des  quantités illimitées de nuages. Le vent chargé d'humidité en remonte des convois plein. Tout devient mouvement... La montagne flotte au dessus de cette mer improvisée comme un bateau fantôme. Les arbres apparaissent et disparaissent, plongeant, émergeant  sans contrôle. Ils sont là par hasard, portés par leur immobilité. Blancs parmi le blanc, les bouleaux ne sont plus que des figurants épurés dont je remarque tout juste la présence. Il semblerait que ce matin, la montagne toute entière cherche à garder son anonymat. La lumière vibre entre les gouttes alourdies. Sous la poussée des nuages, l'air se remplit et se vide de changement. Une musique sourde oscille entre ciel et terre, dans ma tête, dans mes pieds, et je prends soudain conscience qu'il fait froid.

     

     

    paysage anonyme

    ce matin

    les nuages avalent les reliefs

     

     

     

     

     


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    Lorsque le vent donne de la voix et du corps, la yourte change de caractère. Elle abandonne son côté placide et devient un élément vivant. Elle se met à respirer irrégulièrement, bat des toiles  sans jamais décoller. Le poêle ne retient plus ses ronflements, il semble défier le temps qui le fait frémir... Il ne veut pas fléchir, chauffant sans relâche ce ventre fragile qui pourrait se refroidir au moindre de ses défaillances... Il assure et je le soutiens. La nuit passe ainsi, avec ses plaintes, ses bavardages, ses murmures et ses colères... J'écoute tout ce langage, me sentant exclue de ce qu'il se raconte. Tout le monde semble avoir trouvé sa place, même moi au fond de mon lit et quand, en fin de nuit Cassiopée la grande, se laisse entrevoir à travers la transparence du cristal du toono, mon esprit rassuré s'abandonne enfin pour quelques instants de sommeil.

     

     

    le chant des chouettes

    se déplace avec le vent

     

     

     

     

     


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  • Les aquarelles seront encore visibles à la médiathèque de l'Ancre à Carnon, jusqu'au 14 janvier...

    Je remercie toutes les personnes qui sont venues voir mon travail, et qui se sont déplacées encore une fois ce soir pour venir me rencontrer. Je remercie toutes celles et ceux qui ont laissé leurs appréciations dans le cahier mis à leur disposition à cet effet.

     

    Merci Philippe et Sylvie de m'avoir accordé de votre temps, de votre joie et de votre soif de culture pour donner la pulsion essentielle  à la réalisation de cette exposition

     

    Merci Marie-Dominique, l'encrier a bu la lune, de m'avoir permis de te rencontrer ce soir après toutes ces années discrètes sur le web.

    Pour continuer à peindre, il me faut tout ce dont la vie m'a offert pour que je puisse aller à la rencontre des oiseaux, des arbres, des insectes et tout ce qui compose la nature... mais il me faut aussi, les critiques de ceux qui prennent le soin et le temps de venir voir mon travail là où il s'expose. Il me faut également l'instance de leur regard, la puissance de leur sourire, et la présence de leur plaisir, pour aiguiser mes sens et me  permettre de continuer à persévérer dans mes aquarelles.

     

    Merci à tous pour cet échange de beauté et ce partage d'émotions.... Merci de m'avoir insuffler l'énergie dont j'ai sans cesse besoin...

    anna


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    Quelques flocons de neige sur le sommet d'en face... Les surprendre avant qu'ils ne fondent, me laisse confuse... J'ai tout juste le temps de me rappeler de tous ces hivers blancs et froids traversant ma vie. Imaginer leurs  éventuelles disparitions n'appartient pas à mon futur. Un furieux spleen s'empare de mon esprit...

    Tout est à inventer, à réinventer... Faune et flore évoluent sans cesse dans cette parfaite adéquation et résistent avec opiniâtreté. Nous semblons ne pas pouvoir nous mettre en accord avec nous-mêmes et encore moins avec le reste de la planète... Sommes nous donc si différents du monde vivant ?

    Contemplons encore un peu la Terre, la tête vide, pour comprendre les étoiles. Contemplons encore un peu les étoiles, le corps sans attache, pour ne pas oublier ce que nous sommes fondamentalement.

     

     et sans hiver

    que vais je faire de mes haïku (s) ?


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