• Étrange échange entre l'homme et le chien... Leurs pensées se croisent sans paroles, leurs regards se fondent dans un flottement qui compresse et dilate l'espace présent. Inutile de chercher à se comprendre. L'intelligence se passe de ce détail... Tout se sait, rien ne se perd... tout s'apprend chaque instant. L'instinct reprend ses droits, l'animal et l'homme le savent. Là où l'animal bâtit sa confiance inconditionnelle, l'homme, s'il considère ce dernier comme un être égal à lui-même, n'hésite pas à le suivre. Commence alors une longue approche de l'un vers l'autre, où aucune résignation ne s'envisage. Une longue progression où chacun s'apprivoise, décodant avec sagesse toute expression nouvelle. Ce qui les relie, est d'une telle dimension, que la fusion qui en résulte perd toute définition.

    La nature a ses secrets, pas si bien gardés que cela... Au fond il suffit d'une rencontre, d'un passage, d'une contemplation, d'une écoute, d'un moment d'indisponibilité de penser, pour que ces mystères deviennent perceptibles.

    Le monde dans lequel nous vivons est raffiné, délicat, intelligent. Nous voulons l'ignorer parce que ce mépris nous donne le droit de le détruire... L'homme "hors sol", persuadé de pouvoir gérer son univers de la tour d'ivoire d'où il pérore,  oublie les responsabilités  et le devoir qui l'engagent à laisser intact le monde que ses ancêtres lui ont légué. L'inculture et la peur qu'occasionnent son manquement, nous plongent dans des ténèbres accablantes.

    La bêtise se cultive dès le plus jeune âge, on la maintient avec obsession tout au long de cette éducation massive. Formaté à l'image de ce qu'on attend de lui, on gave l’homme hors-sol de diplômes et d'encouragements. Peu importe ses compétences, on ne peut se permettre de le perdre, alors autant user de stratèges flatteurs pour le garder en son sein et faire valoir des niveaux élevés de connaissance qui se révèlent à terme totalement incohérente.

    Pendant ce temps, dans les moindres détails et recoins de notre planète, de l’infiniment petit à l'infiniment grand, l'intelligence se développe loin du conditionnement humain. Contraint à se limiter à lui -même, celui-ci tarde à comprendre l'urgence de coopérer avec celle qui le nourrit. Laissant  en friche toute volonté rebelle, la symbiose entre l'homme et la Terre, ne parvient plus à s'établir. Trop d'inaptitude à la vie, rende le hors-sol incompétent et indigne de fouler le sol qui palpite sous ses pas. Son raisonnement s'appauvrit, son empire s'effondre.

    Le silence est peut-être une des  meilleures façons de parler du monde, mais je souhaite aujourd'hui plus que jamais, qu'il préserve avec le même raffinement qui lui rend grâce, toutes les  beautés connues et inconnues qu'il façonne courageusement  chaque instant de notre vie.

     

    parler du monde en silence

    comme la carpe au fond du bassin

     

     

     


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    D'année en année, mes longues balades dans les étangs, les forêts, les montagnes, les plaines, à  l'écoute de ceux qui agonisent en silence et de ceux qui résistent encore, cachés sous la mousse, derrière les roseaux, sur les falaises inaccessibles, partout où la vie tente de se tailler un peu d'espace, je continuerai, à modifier mon quotidien, diminuer mes consommations déjà très réduites, m'orienterai de plus en plus vers une vie où chaque geste deviendra un engagement pour la sauvegarde de notre planète.  Pour elle, et pour tout ceux qu'elle accueille, pour sa longévité, sa beauté, son incommensurable richesse, je résisterai sans condition à ceux qui la détruisent. C'est ma participation d'aquarelliste, ma convention de poète,  ma disposition de contemplative qui me guideront dans cette voie.

     

     

    oubliant  la carte du ciel

    ne voir que les étoiles.

     

     

     


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    C'est par  évidence, urgence, nécessité et essentiellement par survie que je peins des oiseaux depuis de nombreuses années. Quoi de plus naturel et de plus humain, que de prendre quelques aquarelles et quelques pinceaux pour reproduire ce que l'on voit. Cette pratique se fait depuis la nuit des temps et le but en reste inchangé. Avec discrétion et modestie j'ai le devoir, en tant que aquarelliste-naturaliste-poète, de définir les contours de ces êtres fragiles avec une fidélité rigoureuse. Je dépasse leurs limites lorsqu'ils m'y invitent, mais je ne transgresse jamais leurs règles. Dans un univers où le moindre battement d'aile se fait avec art et goût, ou la plus petite éclosion s'effectue avec une subtilité unique, quelques coups de pinceaux ne peuvent prétendre les égaler... Ils sont les maîtres d’œuvre les plus accomplis de notre univers... Ils sont l'harmonie achevée de leur espèce. Les observant dans toutes les conditions possibles et impossibles, je remarque d'année en année certaines absences qui se révèlent souvent fatales. Ni mon amour pour eux, ni ma poésie et encore moins ma peinture ne pourront les faire revenir, mais je souhaite qu' à travers ces aquarelles, reste dans la conscience de ceux qui les regardent toute la responsabilité que nous avons à leur égard.

    Les textes qui accompagnent les peintures, sont des « haïku ». Ce type d'écriture issu du pays du soleil levant se place un peu dans notre existence comme un témoin de l'instant vécu. Il s'écrit, s'oublie, ne prétend avoir aucune conséquence dans le futur. C'est un art, qui prend toute sa force dans sa capacité d' être écrit par et pour tout le monde.
    Il est là, où nous arrivons à entrevoir la réalité ordinaire avec détachement, là où nos émotions parlent avec une simplicité étonnante. Il se trouve au détour d'une ruelle, au croisement d'un boulevard, sous les semelles du voyageur, dans le bec d'un oiseau, dans les mains d'un enfant ou d'un vieillard, entre les pattes d'un chien, sur les ailes d'un papillon, au fond des océans, sur une fleur qui fane, sur une autre qui éclot, dans les racines d'un arbre, dans le regard des êtres que l'on aime, ou tout simplement dans la poussière du chemin soulevée par le vent.

     

    Exposition médiathèque de l'Ancre à Carnon jusqu'au 5 janvier


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    Monsieur le Président,

    Je vous écris cette lettre pour vous exprimer mon découragement et ma révolte devant votre conduite lamentable de perdant... Pour vous dire également que vous ne trouverez pas indéfiniment les mots qui ont permis jusque là à dissimuler votre médiocrité à ceux qui ne l'avaient pas encore compris.
    Nous voilà gouvernés depuis 2012 par ce poltron que vous êtes et que vous avez toujours été, doublé d'un chien de garde, votre premier ministre, à la lignée plutôt douteuse... Permettez-moi Monsieur de vous rappeler que vous avez manqué à toutes vos promesses qui vous ont permis de monter sur ce trône que vous convoitiez tant. Promesses auxquelles certains ont cru par désespoir, parce que croire en votre honnêteté ne pouvait relever que d'une sacrée détresse.
    Vous dirigez ce pays avec une mésintelligence que nous n'attendions pas de vous... vous le vendez au plus offrant n'hésitant pas à le ruiner jusqu'à la dernière pierre, jusqu'à la dernière de ses richesses.
    Le drame qui a secoué notre pays vendredi dernier, nous a fait prendre conscience de votre incompétence, de votre volonté aussi d'engager ce pays dans une guerre qui ne flatterait que vos ambitions et votre vanité exaspérante... Cette guerre que vous attendiez avec impatience pour vous permettre de mettre enfin en place votre politique liberticide ne nous appartient pas. Une guerre ne laisse derrière elle que des morts...

    Nous ne voulons pas de votre sécurité, parce que vous nous l'imposez avec la violence qui en dérive... Il nous aurait fallu davantage d'écoles, davantage d'enseignants chargés d'une volonté d'instruire, et non de roquets à votre solde choisis sur des critères de plus en plus réducteurs... Il nous aurait fallu des aides dans les citées abandonnées au  barbarisme et à la désolation humaine... Citées où règne une telle détresse que pour y survivre, naissent des idéologies extrémistes. Il nous aurait fallu du soutien dans nos recherches de travail, et non être poursuivis comme des criminels de l'emploi... Vous avez usé tout le vocabulaire qui était en votre pouvoir, pour nous traiter sans complexe de parasites, alors que vous Monsieur qui êtes le sous fifre de tout un bastion de malfaiteurs, n'avez plus que la traque à vous mettre sous la dent pour vous faire entendre. Nous avions besoin de soutien, nous avions besoin d'entraide, de reconnaissance, nous avions besoin d'hommes libres et responsables, nous avions besoin d'étendre nos regards vers des horizons sans guerre. Mais pour toutes ces attentes là, nous aurions surtout eu besoin d'un responsable altruiste, dévoué à l'adéquation de son peuple, et non un couard de salon, blâmable pour son charlatanisme...
    Vous êtes coupable, comme vos prédécesseurs de ce qui est arrivé ce 13 novembre 2015 à Paris. Votre complaisance avec le Qatar et l'Arabie Saoudite a porté ses fruits. Vendre des armes à ceux qui flagornent avec les extrémistes ne peut répandre que terreur et atrocité. Le terrorisme que nous connaissons aujourd’hui est né de toute cette insalubrité politique.


    Sans avoir peur, je suis inquiète. Inquiète de constater cette insuffisance qui vous condamne à la platitude.

    Je suis inquiète Monsieur le Président parce que d'une guerre que je n'ai pas vécue, j'ai vu toute mon enfance, ma mère pleurer sur les huit frères, sœur, père et mère que ce monstre lui avait arrachés. J'ai grandi dans un cimetière, parce que c'était le seul endroit où elle y trouvait un peu de quiétude et cela jusqu'à sa mort en 2003. Monsieur le Président, ma mère m'a élevée dans la haine de l'Allemand, du " boche", du" schleu" et je n'en ai pas voulu. Contrairement à toutes ses attentes, j'ai renoué avec ce pays qui m'était frontalier pour en découvrir aussi ses malheurs...
    Il faut beaucoup d'amour pour gouverner, beaucoup d'intelligence, de patience, d'altruisme, d'écoute et de détachement. Il faut admirer les hommes et les femmes qui construisent ce pays. Il faut les appuyer pour leur donner les moyens de s'épanouir vers plus de savoirs et de connaissances, vers d'autres envies, vers d'autres initiations...


    Vous avez perdu Monsieur le Président... vous avez perdu jusqu'à votre guerre qui vient tout juste de commencer... et vous nous conduisez au chaos...





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    Dans ma bulle perchée sur les montagnes, je n'entends plus les rumeurs du monde. Je ferme la porte et le temps continue son œuvre avec acharnement. Au fond du lit j'écoute les chouettes devenues familières, converser entre elles de plus en plus près de la toile qui nous sépare... à l’extérieur dans le silence nocturne restant,  un grattement téméraire s'intensifie de minute en minute. Certainement, un carabe doré cherchant refuge entre le feutre et la toile de la yourte. Sa détermination laborieuse est rassurante. Je ne dors pas... rien ne m'y invite. Les animaux échangent leurs informations  et il m'est impossible de les comprendre. Malgré tout, j'écoute, béotienne parmi les béotiennes le monde de la nuit organiser son temps de présence avant le lever du jour... L'âne brait, le chien aboie... sangliers, renards, blaireaux, martres rodent sans interruption... La chasse n'a pas encore eu raison d'eux... et je ne saurais indéfiniment les protéger...



    Le monde avance vers ses limites et je me retranche derrière une impuissance exaspérante.
    L'automne a ses douceurs et ses douleurs...  Il interroge notre mémoire, et nos souvenirs. De telles températures n'ont pas été enregistrées depuis de nombreuses décennies. Le monde semble s'en satisfaire mais je ne puis le suivre sur de telles coïncidences. Tout cela sent le danger et la rupture...
    Le dernier épisode cévenol, (tempête à cœur froid), d'une violence brève et angoissante ne peut se résumer à un caprice cyclique du temps, alors qu'en méditerranée on relève les premières tempêtes tropicales, (tempête à cœur chaud), jamais observées  jusqu'ici.

    Les glaciers et le permafrost de nos montagnes disparaissent de plus en plus rapidement... Nos réserves d'eau sont menacées... Les pôles fondent à toute vitesse, les peuples de l'Arctique subissent les premiers outrages de ces quelques degrés qui s'élèvent autour de nous... Ils crient leur inquiétude, mais ils sont trop loin et nous ne les entendons pas... Nous profanons leurs angoisses cherchant à nous en tirer sans dommage... Quelle est donc cette part d'inconscience qui nous ordonne de ne rien faire, de laisser nos vies, nos attentes, nos espoirs entre les mains de tartuffes criminels qui exsudent  leur pouvoir comme une gangrène incontrôlable...

     

    Je regarde  les enfants de mes enfants grandir avec leurs problèmes d'enfants... Les rires du petit dernier dans la forêt lorsque, comme les grands, il imite le loup... trottant avec courage et connaissant d'instinct le monte qui l'entoure...

    Je les accompagne dans leur joie, mais au bord de mes yeux  se forment quelques larmes dont je ne cherche pas la raison.

     


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    Orage, le rugissement de l'eau porte ses lamentations au delà des montagnes... Depuis quelques heures le ton monte sur les versants. Les ruisseaux gonflés en torrents dévorent les berges instables, emmenant en vrac tout ce qui entrave leur passage. L'eau frappée en écume déferle des monts avec une sauvagerie rarement déployée.. Dans la vallée les rivières hurlent aux ravages... rien ne sera épargné... On ne s'entend plus parler, seuls les flots indomptés ont droit au langage. Leur colère fait trembler tout ce qui vit sur les rives impuissantes. Les arbres fixés dans leur torpeur, s'accrochent à leur terre natale sans grands espoirs. Certains de leurs congénères flottent déjà vers le large... 
    Il pleut avec une telle violence que la montagne semble s'enfoncer dans la nuit et dans la terreur en pleine journée. L'orage claque autour de la yourte et de la maison sans rémission. Les heures passent, enfermant chaque être vivant dans un silence soumis... De crainte d'exacerber davantage le mécontentement des dieux, les larmes des enfants effrayés coulent sans bruit. Bouchant leurs oreilles fragiles ils cherchent refuge dans l'odeur familière que l'ampleur de mes bras leur offre. Et c'est dans cette odeur qui appartient au clan qu'ils retrouveront peu à peu celles de leurs mères et tout le réconfort qui va avec...

    Cette année pourtant, l'automne est d'une beauté exceptionnelle... Combien de temps lui a t-il fallu pour parfaire les détails d'un tel chef d'œuvre ? Le rythme des changements de couleurs se prête à une déclinaison subtile. Les feuilles tombent avec une lenteur calculée. L'une après l'autre se chargent de quitter la vie dans un dégradé de nuances éclatantes. Elles offrent aux contemplatifs un mystère  qu'ils sauront recevoir sans en chercher la compréhension. Le jaune des bouleaux se fond dans le rouge des érables, le vert franc des résineux garde son intensité à peine variable. Ils dressent à côté des châtaigniers un bilan incontestable. Les uns ont tout perdu alors que les autres nullement dégarnis patientent tranquillement sous des couleurs plus ternes. Il faudra attendre le printemps pour remettre les verts en concurrence, il faudra attendre le printemps pour savoir qui aura survécu à la sécheresse de l'été dernier. Le printemps encore pour avoir la force de regarder la beauté mutante.

     

    jusqu'à la brouette de l'enfant
    la brume a tout avalé


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  • il va, vient, repart, revient, s'approche de plus en plus de son lieu de pêche. Ses pattes se dessinent avec précision dans ma lunette d'observation. Ses griffes se mettent en position d'attaque avant la plongée  nourricière. L'oiseau est majestueux, sa grandeur pourrait être parfaite, mais un détail choquant trouble mon regard, un détail, qui ne retient plus l'attention de personne, un détail qui à chaque fois que je le rencontre me brise le cœur... L'oiseau est bagué... Doublement bagué. Deux pièces métalliques numérotées enserrent chacune de ses pattes, le rendant prisonnier d'un système de suivi et de statistique auquel personne ne lui a demandé son avis. Personne non plus ne s'est soucié des conséquences que de tels marquages pouvaient lui imposer, ni de quelle façon il serait dorénavant perçu par ses congénères... Non, surtout pas ! De telles interrogations sont à proscrire. Personne ne peut y répondre, alors pourquoi s'encombrer de ces réflexions inutiles. Les objectifs scientifiques ne sont pas à remettre en cause, autant nier le choc infligé à l'oiseau lors de ce genre de manipulation. Et de s'entendre dire, que de toute manière l'oiseau ne craint rien... Mais que savent-ils eux qui prétendent vouloir connaître la démographie des populations d'oiseaux, leurs voies de migration ou encore leurs zones d'hivernage, et de nidification ? Que savent-ils sur ce mystère qui hante tous les êtres de cette planète ? Que savent-ils sur le conscient et l'inconscient de ces voyageurs au long cours... Que savent-ils sur leur capacité de réfléchir, de percevoir, d’interpréter leur environnement et le notre ?

    1911 est la date du commencement de ce procéder de suivi. Depuis, plus de 6 300 000 oiseaux ont perdu leur dignité d'oiseaux libres. Pour beaucoup d'entre eux, cette pratique n'a pas été sans douleur. Les enflements et les blessures sont souvent inévitables, mais plus encore, le choc d'être capturé dans ces filets, prévus pour cela, filets tendus souvent en période migratoire, au moment même où les oiseaux sont en pleine volonté de reproduction... Autant dire que le traumatisme qui en suit n'est sans égal et a sans aucun doute une conséquence sur leurs noces fragiles...

    Mais comme l'expérience en matière d'observation et de réceptivité de ce monde sauvage a atteint le niveau ultime de l'incompétence  humaine, celle ci a rajouté à ses pseudos recherches un petit outil bien plus efficace encore que le baguage... un petit outil qui suit, qui trace, qui traque, qui repère ... un petit outil appelé GPS qui se pose sans pouvoir être dissimulé sur le dos de ces grands voyageurs. Et voilà ces somptueux oiseaux munis de ces chargements parasites dont ils ne comprennent pas la présence.

    Ils ne sont pas les seuls, les oiseaux,  à subir ce genre de marquage, les animaux domestiques sont pucés, tatoués, étiquetés aux oreilles, les bouquetins, et chamois subissent le même sort que les bovins avec en prime un collier émetteur. Les loups portent des GPS. On opère les amphibiens pour leur placer sous l'abdomen des émetteurs  radio traking, on injecte des puces  à tout ce qu'on attrape et on référence, on suit, on évalue, on se conduit comme des inquisiteurs dans un monde qui ne nous appartient pas.

    Traquer, tracer, pucer, baguer, occupent notre vocabulaire sans que l'on ne se préoccupe de ce qu'ils ordonnent. On banalise des mots qui soumettent un vivant fragile à un besoin de recherche qui a le droit de nous interpeller, le droit aussi de nous positionner et de nous faire réagir.

     

     

    Le monde circule dans ma peau, et je recule lentement avec lui.

     


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  • Rien d'original, c'est de saison, et vous l'avez remarqué comme moi, c'est le temps des feuilles qui tombent. Pourtant pour moi, cela éveille des interrogations étranges. Je cherche dans cet événement cyclique, le sens que je voudrais pouvoir emprunter à cet instant...

    Quelque part ailleurs, loin au Nord de cette planète le froid s'installe. Quelque part à son extrême Sud, les premières sternes arctiques arrivent au bout de leur voyage. Quelque part ailleurs, sur les points cardinaux restants, les guerres s'enlisent dans leur suffisance acharnée. Quelque part, aux bord des mondes qui s'entrechoquent le mouvement perpétuel de notre humanité divague sur des fréquences dangereusement élevées... Les peuples agonisants se courbent avec haine et vengeance... Les puissances insolentes se dressent féroces, meurtrières, dans la plus sanglante des indifférences...

    Quelque part encore, au fond du jardin les feuilles du bouleau recouvrent avec une douceur palpable la terre qui l'aidera à grandir. Quelque part dans cette montagne hors du temps, des volutes de fumée s'échappent paisibles de la yourte rhabillée en mode hiver.

    Quelque part ici, la forêt redouble d'effort.

    Chaque jour d'automne  se lève  avec noblesse, avec mystère, tel un lever de rideau d'un vieux théâtre antique. Il dévoile son décor soigneusement façonné tout au long de  la nuit... La pièce jouée est muette, tout est dans la lenteur du jour qui se narre sans mots. Le rythme varie selon le temps. Qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, les intensités de son rôle donnent à l'air une dimension irrécusable. Tant de beauté offerte, ne se refuse pas... La nature défie l'horreur avec ce qu'elle a de plus stratégique... L'instant présent est sa structure, sa loyauté même douloureuse est son liant. Elle confond avec lucidité, beauté et laideur... Pour elle cette nuance n'existe pas et son commencement s’organise chaque jour, chaque nuit dans la seule urgence de survie... Si nous lui accordons  tous ces petits détails de géant, qui font d'elle une déesse déterminée, elle saura sans cesse nous réinventer le monde.

     

     

    près du poêle qui ronfle

    se rassemble dans la yourte

    un petit monde inconnu

     

     

     


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  • l'impermanence est un état d'incertitude dans lequel nous organisons avec obstination un vide permanent... Une structure intemporelle qui nous balade, nous les incrédules, vers des néants artificiels sans amnistie. Nous ne cessons de nous perdre, de nous égarer dans des nécessités, les unes plus inutiles que les autres, et nous nous accrochons à ce décor virtuel, comme des âmes en errance, comme des êtres sans avenir... Celui-ci est menacé, jusque dans le moindre recoin de notre planète... sans repère, nous ignorons jusqu'à l'urgence de le sauver, de lui donner une dernière chance de salut... mais notre altruisme disloquée ne sait que faire de cette ultimatum, et tels des êtres normalisés nous avançons sans destin, sans espoir, sans envie, vers un lendemain macabre...

    Le voyage aère les pensées funestes, mais ne soulage pas la clairvoyance que notre instinct génère. Nous sommes pris au piège de notre condition humaine. Que nous le voulions ou non, notre prédisposition à nuire domine et de loin, celle à construire... l’équilibre ne peut-être rétabli, la vacuité sert les inconscients, pendant que les autres perdent leur patience dans des combats sans espoir...

     

    il va des jours, où même dans le plus beau des sourires se cache une larme.....

     

     

     


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  • Rompant le silence flottant entre le jour et la nuit, les cigales remplissent l'espace sonore sans aucun autre objectif  que celui d'arriver au terme de leur vie tout en beauté. Leur dernière métamorphose accomplie, il ne leur reste qu'un soupçon de temps pour pérenniser leur espèce.

    Entendre, voir, regarder, respirer sont des réflexes de survie qui nous permettent de comprendre le monde qui nous accueille. On sent un événement avant de l'entendre, on entend une information avant de la voir. Il nous faut être attentifs à tout. Organiser notre existence en fonction de nos sens est un principe fondamental de survie, un savoir faire qui nous conduit à la dignité humaine.

    Le monde est un livre ouvert ou la seule communication réelle qu'il enseigne est celle qui éveille  notre conscience.

    La moindre odeur, le moindre bruit, traduit chaque matin avant que je ne sorte de la yourte, les petites choses de l'extérieur. Sans rien voir je sais jusque dans le moindre détail, tout ce qu'il s'y passe. Cette disponibilité  élargit mes pensées vers l'instant vivant. L'instant précieux, qui me dit ce que je dois faire ou ne pas faire... L'instant essentiel qui m'offre tout au long de mon existence une place ordinaire dans cette dimension.

    Comme une vieille "indienne" perdue dans un monde où ses incantations ne fonctionnent plus, j'attends que le vent me colporte les dernières inspirations des résistants.

     

     


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  • Poussant la nuit sans fraîcheur derrière ses retranchements provisoires, le jour s'impose brutalement sans variation. Chaud, écrasant il accomplit son cycle d'heures interminables. Il est tôt, très tôt, la vallée semble dormir d'un sommeil dont elle ne se réveillera peut-être jamais. Son repos est de celui qui accuse les conditions trop pénibles de vie dans ce pays reculé, forçant les habitants à le quitter. Je n'entends plus les moutons du mas du petit vallon, ni le chien qui les gardait. Les éleveurs sont partis tellement vite qu'ils ont abandonné une partie de leurs affaires autour de la maison. Envahissant lentement tout espoir de changement, les herbes folles et les ronces, désenchantent déjà le lieu.
    Se faufilant entre les rangs de tomates que j'attache, un vent venu des crêtes passe entre mes jambes et remonte sur mon dos déjà en sueur. Je reçois cette douceur comme un souffle des dieux. Au bout du jardin le chien tend son museau, saisissant au passage de ce courant d'air, toutes les odeurs vagabondes.

    Je monte d'un cran le rythme du travail... Je sais que le soleil ne tardera pas à s'emparer de ce versant exposé. Cette réalité intimide même les moucherons qui dans une dernière action directe prennent d'assaut les moindres bouts de peau à découvert. Je ferme la bouche, plisse les yeux et attends que le vent les désoriente.

    Les scaroles font des fleurs d'un bleu puissant, cela me donne envie de refaire des cuves de teinture... envie de voir surgir les dimensions chromatiques des plantes tinctoriales, la surprise d'un bain qui dévoile  ces jaunes, ces oranges, ces verts et  ces bleus éclatants.


    Je me sens en convalescence d'un monde qui décline... Dématérialisant mes pensées nuisibles extra-productives que mon cerveau génère sans compter,  je respire avec délivrance ce vent des dieux matinal qui me pousse vers le large.


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    Soir d'été, les sommets des montagnes flottent à l'horizon... Par ondes de chaleur interposées, leurs présences semblent être en mouvement. Je les aime ainsi, sensibles, perturbés, accrochés au ciel sans nuages... ils me font penser à de vieux chamans dressés entre les mondes. Divinités déchues, oubliées, délaissées par trop d'incompréhension, elles s'enveloppent de leur solitude et n'ouvrent, que lorsque leur humeur s'assouplit, un peu de leur majesté au reste du monde... Je continue à croire en elles,  en leur parole en leur secret. Elles sont la représentation  de chacun de mes pas qui montent vers elles.  Leur énergie passe au travers des pierres, des arbres, et des fleurs, remplissant de leurs présences, toute cette histoire universelle de vie et de mort qui nous subordonne. Certains soirs, le raffinement de leurs silhouettes berce mes rêves. Lorsque quelques oiseaux en migration traversent en ombre chinoise ce tableau en éternel recomposition, j'ai la nette impression de percevoir un bref instant l'équilibre parfait qui se fait et se défait chaque moment de notre vie.

     

    aux chants des oiseaux

    qu'importe le temps

    les montagnes en état de roc

     

     

     


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  • le jour se lève sur le toonoo de la yourte. La porte volontairement  ouverte toute la nuit laisse entrer fraîcheur, rosée, araignées, fourmis et papillons. Le jeune samoyède attend  la tête posée sur le seuil que je daigne bien me lever. Un lézard passe entre ses pattes. Cinq heures du matin, le rouge queue à front blanc reprend avec acharnement son chant de la veille. Sa solitude n'est plus respectée, grives draines, merles, troglodytes, fauvettes à tête noire, grisettes et toute la gamme des mésanges mélangent leurs voix à celles des grenouilles. Aucun soucis d'harmonie, le concert bien que quotidien est unique, et de plus en plus contemporain.

    les températures s'élèvent sans pitié, assoiffant les jeunes arbres plantés l'automne dernier. La sélection est impitoyable, entre chevreuils, sangliers, lièvres, parasites, et sécheresse, la vie d'un jeune arbre est tout le temps menacée. Elle ne tient qu'à son acharnement d'arriver à se tailler une place honorable dans la forêt et rejoindre les anciens dans un  bruissement de houppier.

    Le cynips, micro hyménoptère venant de Chine, à son tour jette depuis peu sa malédiction sur le châtaignier, collant à la base de son feuillage  une galle pouvant entraîner sa mort. Atteints des maladies de l'encre et du chancre, responsables de notre absurdité, voilà plus d'un demi siècle que les châtaigniers  dépérissent dans nos forêts sans que nous puissions réellement les aider.

    Quelle différence y a t-il entre ces forêts qui s'épuisent et la condition humaine devenue malsaine à force d'ignorance?

    Nous sommes en guerre, sans que personne le remarque. Une guerre sans nom, sans loi, sans gloire et sans honneur. Comme toutes les guerres, elle nous enfume de slogans dignes des pires dictatures, cherchant par ce stratège à escamoter sa barbarie. Tout en  cultivant notre paresse intellectuelle, elle nous plonge béatement  dans  cette insalubrité mentale que notre société a concrétisé dans la plus parfaite indifférence.

    La chasse est ouverte aux Roms, aux migrants, aux chômeurs, aux punks à chien aux marginaux de toute envergure, aux enfants aux yeux noirs, aux bébés à la peau ambrée, aux anciens qui réfléchissent trop ( mais de ceux là il y en a peu) aux jeunes qui refusent d'être formatés, pucés, endoctrinés, lobotomisés par la misère générationnelle induite par nos sociétés en faillite. On enferme, on tue, on expulse, on noie aussi par bateaux pleins... D'autres convois, d'autres camps de concentrations ont vu le jour "pour ne jamais oublier ce qui avait déjà été fait" disent-ils en répétant les mêmes horreurs avec le même sadisme et le même dévouement aux empires de l'ombre, que certains criminels d'une autre époque  pas si lointaine.

    Déposez vos téléphones, vos ordinateurs, et votre superbe voiture. Sortez de vos prisons pavillonnaires, rangez vos tondeuses, laissez vos piscines se remplir de grenouilles et de crapauds. Oubliez vos dettes, vos contraintes et votre conditionnement au travail. Ouvrez vos yeux, respirez autre chose que le poison qu'on vous impose chaque jour.... et tendez la main à l'enfant qui vous regarde...

     

    cette  fourmi

    soulevant le monde

    dans une seule graine

     


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  • Poésie en marge du temps, poésie en révolte, triste et solitaire, il reste dans tes formes la mélancolie des échecs. Entre tes lignes, le silence appartient à ceux qui l'écoutent. Je  n'ai jamais voulu te perdre, mais mes craintes dépassent si souvent mes attentes, que je peine de plus en plus à  trouver  le fil de ta présence. J'ai essayé de te reconquérir  dans l'harmonie de mon jardin, je n'y ai senti que la terre chaude recouvrir mes pieds nus. Sur les sommets des montagnes enneigées, je t'ai cherchée dans la blancheur terrifiante qui m'entourait,  mais tu m'as laissé pour seule preuve de ton passage quelques traces de chamois et de lagopèdes.  Écriture qui s'efface au premier coup de vent, je n'ai  su y lire ce que je cherchais. Au bord des étangs, alors que le chant des oiseaux éclipsent mes inquiétudes,  tu passes avec une telle discrétion, que je reste là, debout au bord de l'eau , impuissante et désemparée.

    Je peins des oiseaux, te cherchant là encore sous le duvet de leurs plumes fraîchement acquises, mais  n'y trouve que la douceur de mon pinceau. Le temps d'un arrêt sur une branche, un rocher, une fleur, ils provoquent dans l'air une légère distorsion qu'il me faut ressentir jusqu'au bout des doigts. Puis ils disparaissent dans les feuilles, les vagues et les étoiles t'emmenant avec eux sans promesse de retour.


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  • De la serre chaude où ils ont grandi, les plants de tomates migrent vers les grands espaces du jardin. Melons, courges, poivrons, piments, les rejoignent les uns après les autres, et se placent par sensibilité et arrangement entre les carottes, le persil, les oignons et les poireaux...

    Le vent les accueille froidement. Un à un je les entoure de courage et les oriente vers la vallée ensoleillée... Comme chaque année leur cycle se fera en fonction des saisons... Comme chaque année je les accompagnerai de ma présence, de ma reconnaissance, et de tous les soins nécessaires à leur développement.

    Un jardin est à la fois un lieu ordinaire et extraordinaire. Empreint d'une mémoire sans âge il retient dans le grain de sa terre, le goût et le parfum de son histoire,  les années de disette, les années d'abondance, puis les longues absences le livrant  à la végétation sauvage qui le rejoint par solidarité... Vinrent ensuite les périodes de  retour à la terre, les changements de jardiniers, les approches plus équilibrées, une énorme capacité d'écoute et de mystère, et peut-être tout au fond du terrain, un épouvantail en guise d'esprit protecteur, invitant les oiseaux à se loger dans ses vieilles frasques usées...

     

    Unique en son  genre chaque année, il s'abandonne aux gestes de ceux qui le cultivent. Prudent, il retient parfois ses richesses dans une dimension inconnue. D'autres fois  alors que notre découragement prend des allures de détresse, il libère toutes ses forces et sa beauté cachée dans un éclat de vie universel. Il défend avec ardeur les plantes qui y poussent, appelle les esprits de la montagne et repousse avec un courage de grand guerrier les fléaux ravageurs... Plus rarement et toujours pour des raisons qui lui sont propres, il abandonne tout ce qui y pousse, sans se préoccuper de leur vie ou de leur mort. Il se rebelle et montre sa détermination à redevenir une part de la montagne, de la forêt, ou de la vallée,  sa détermination à redevenir une tranche  de  terre libre....

     

    il me semble que les lianes de clématite ont atteint aujourd'hui les nuages

     

     


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