• Troisième mois de l'année déjà. Vieillir apporte plein de douceur et de rondeur. Les révoltes intérieures font place à des incertitudes détachées. Les questions s'égarent dans le vide, alors que le monde du vivant prend un sens spirituel tout en évitant le pire. Les dogmes impériaux, quels qu'ils soient ne sont plus une menace. Libertaire jusqu'au bout de mon ombre, je regarde  les saisons traverser mon temps avec sérénité.

    Chaque coup de bêche est un hymne à la vie qui bouge sous terre. Un univers  grouillant de surprises se faufile entre les dents de l'outil. C'est  la manière qu'a le jardin de me conter ce que le monde abrite entre les graines en "germence"et les vers de terre qu'il nourrit. Il faut retourner la terre, et y déposer  les pommes de terre en fil indienne. Pour connaître ses besoins je la goûte et découvre ses souhaits. La nourrir demande au printemps une attention toute particulière et beaucoup d'amour. Je dois l'aider à trouver ce dont elle a besoin pour que je puisse à la saison venue partager avec elle les récoltes.

    le soleil incline sa force sur la métamorphose de mon existence. La fatigue impose un peu trop souvent ses règles et me terrasse à l'instant même où je souhaiterais qu'elle m'oublie. Je n'ai d'autre choix que de prendre cet état comme une déclinaison incontournable de mes efforts. Elle n'est pas forcément mon ennemie, mais ne tient pas toujours compte de mes urgences et me laisse parfois en plan dans mon travail.

     

    Les bourgeons des arbres se gonflent de fierté, tout en réveillant fermement la forêt encore engourdie. Je pense à mon autrefois avec bonheur... Les atermoiements du monde m’effraient pourtant. Ils basculent vers un obscurantisme où la valeur des mots se perd dans l'ignorance. Écrire devient de plus en plus difficile. L'écoute égare sa disponibilité,  la poésie sa dignité.

     

     

     

     

     


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  • la pente raide couverte de neige indéfinissable, sollicitait toute l'énergie qu'il me restait dans les jambes et les pieds pour gravir cette mauvaise passe...

    Versant nord, tout aurait pu nous être favorable, mais, ce matin là, cette option des choses n'avait pas été retenue dans nos fonctions  d'errance... La montagne, fidèle à son immobilité capricieuse, indifférente aux agitations de deux humains en galère, gardait dans sa dignité de titan toute l'insensibilité qu’exige son statut de haut rang. Nous avions besoin de son avis, et nous avions beau l'observer avec grand intérêt, elle ne semblait pas vouloir nous accorder de son temps. Il nous fallut donc évoluer sur ses flancs sans ses conseils, augmentant par la même, la complexité de notre progression.

    Trois heures,  trois heures pour gravir péniblement quatre cent mètres, trois heures à ne plus savoir si nous devions ou pas garder les raquettes aux pieds. N'avançant parfois qu'au prix d'insurmontables efforts, faire demi tour devint bientôt tout aussi dangereux que progresser vers le plateau. La pente vierge de tout passage ne laissait aucun doute sur les difficultés à entrevoir et une fois engagés nous n'avions d'autre choix que d'arriver à dépasser notre appréhension pour arriver au sommet. Changeant d'humeur à chaque pas, contrôlant très mal mes doutes et mes peurs,  je laissais mon cerveau réceptionner tout et n'importe quoi, afin de pouvoir lâcher par touches démesurées, mon mécontentement et mon trop plein d'émotions.

     

     juste nos traces

    dans la neige les  histoires s'oublient

     

     

     

     

     

     


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  • sous les vieux arbres en dormance

    la nostalgie  des  petits  temples zen

     

     


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  • Sur les plateaux arides, la végétation évolue avec une telle tranquillité qu'il semblerait parfois qu'elle retient son souffle pour en garder le peu d'humidité que celui-ci contient. Elle épargne sa vie avec acharnement ne poussant que lorsqu'il faut, et tellement lentement, que cueillir quelques unes de ses feuilles, relève à enlever aux plants de nombreuses années de croissance... Tout est sec ici... sur ce calcaire torturé par le vent et le soleil la terre craquelle... les odeurs y sont fortes, les plantes conservent leurs senteurs et leurs vertus à huis clos... Il suffit pourtant d'un rien, seulement d'un piétinement parfois, pour que leurs subtilités sortent de leur clandestinité et éveillent dans nos esprits, tous les plats qu'elles accommodent avec raffinement. Ce n'est pas la saison de la cueillette, mais il me manque quelques unes de ces herbes précieuses. Me permettant une entorse à la règle, je les prie de m'excuser de cette indélicatesse et ne prends que ce qu'il me faut...

    Dans ce ciel d'un bleu presque vulgaire, tant il impose sa profondeur, je cherche désespérément l'aigle de Bonelli. La saison des amours tire à sa fin pour cette aigle méridional, je ne le verrai plus aussi aisément qu'en ces périodes de troubles amoureux... d'autres préoccupations rempliront ses  journées prochaines et sa présence sera de plus en plus difficile à observer...

     

    paroi

    les bruits du village grimpent à toute vitesse

    sans ouvrir de voie

     

     


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  • femme de Wajima

                                                 la revoir

                                                 un instant  bleu


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  •  par de là les montagnes et les océans, des plaines monotones, aux forêts muettes, le marcheur, pas à pas, cherche la raison de son déplacement. Ses pensées circulent dans ses veines, procurant à ses muscles l'invariant nécessaire à sa progression. Par la fatigue et les besoins élémentaires qu'il assume chaque jour, ses interrogations se dilatent dans sa tête, détournant l'accès de ses tourments. Sa seule volonté d'arriver au bout de son chemin, le conduit à supporter toutes les incertitudes que ce choix lui afflige... des rires aux pleurs, des doutes aux convictions, il passe d'un état à un autre sans aucun contrôle. Jour après jour il abandonne ses obsessions et gagne en quiétude ce que la nuit consolide en sommeil équivalant. Les pieds du marcheur foulent tous les reliefs possibles et inimaginables inscrivant à chaque pas un bout d'histoire dans sa mémoire. le chant de la terre remonte dans ses muscles vers le ciel, vers l'univers, laissant en lui les traces intemporelles d'une existence incontestable

     

     

     

    la roche suinte son trop plein d'automne

    aujourd'hui

    en glace

     


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  • à l'heure où la nécessité de changer les choses relève d'une urgence non négociable, à l'heure où les politiques ne sont plus que des pantins de foire animés par des puissances occultes, à l'heure où nous devrions nous soucier impérativement de l'avenir et de ce que nous sommes capables de léguer à nos contemporains, nous nous divisons et entre-déchirons  sans ultimatum. Le mal de notre siècle, de celui d'avant et d'avant encore, c'est ce narcissisme névrotique, fruit d'une industrialisation effrénée suivie d'un ultralibéralisme incontrôlée et incontrôlable qui touche tout un chacun n'épargnant rien ni personne...

    Il va de soit que nous ne sommes pas prêts d'en sortir... Plutôt que de se pauser en tant qu'acteurs de notre avenir, nous préférons pour beaucoup d'entre nous, nous déculpabiliser de ce que nous ne pouvons soit disant guère changer et devenir ainsi les victimes d'une dictature impitoyable. Tout doit être rentable... et c'est de cette vision absurde entre autres que nous avons la charge de nous émanciper...

     

    à nous de réfléchir maintenant !!!

     

     


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  • Sur la page encore blanche, un carré de lumière se déplace à la vitesse du soleil. Cette blancheur  fascinante, m'hypnotise... Plongeant à nouveau le pinceau dans l'encre noire je réfléchis à la manière que cette page me pousse à l'investir. Je tourne mon papier, tente une nouvelle approche et pense à cette vieille femme rencontrée au marché de Wajima dans la péninsule de Noto au Japon. D'un autre temps, habillée d'indigo et  de son kappougi que toutes les femmes japonaises portent lorsqu'elles s'occupent dans leurs maisons, elle vendait des sandales en paille de riz, et quelques piments admirablement tressés en collier.

    Ses petits yeux noirs dissimulés sous les plis de sa peau, traversaient l'ambiance apaisée que procurait ce marché local, pour se perdre bien au delà de nous tous... ses pensées étaient ailleurs... perdues dans le temps et les rizières... Elles semblait sans âge, avait cette beauté irrésistible des êtres qui vieillissent avec eux-mêmes. Je remontais le temps avec elle, imaginant son passé, dans cette tranche de vie rurale que ses mains abimées ne pouvaient dissimuler... Connaissant de mieux en mieux l'histoire et la culture du Japon, je la voyais, pendant et après guerre, toujours active et volontaire... sans se plaindre, gérant sa famille et l'argent que son mari rapportait, de main de maître.

    Son regard dur ne laissait place à aucune fantaisie... elle avait dû en vivre si peu, que ces extras n'avaient pu s'aménager une place dans ses yeux. Mais cela n'avait aucune importance et sa présence imposait une telle force qu'elle arrivait à se tailler une existence, même cachée entre les  étals qui semblaient l’engloutir.

    Je ne me souviens pas avoir croisé son regard. Lorsque je l'ai aperçue, elle était déjà trop loin de nous, dans un lieu qui lui était unique et certainement précieux.

    C'est elle que je cherche à peindre aujourd'hui, c'est elle qui éblouit mon papier au point de ne pas réussir à la saisir... Mais je sais attendre et recommencer... juste pour le plaisir de la revoir...

     

    d'un trait de pinceau

    revivre un instant

     

     


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  • nuit au sommeil difficile et agité. De dehors, les bruits, les sons, les souffles, les plaintes, les vibrations, les cris, aussi étouffés soient-ils, prennent tant d'étendue que j'ai l'impression qu'ils s'emparent de la chambre où je somnole... J'ai mal à la main, elle est gonflée et se colore de toutes les nuances de bleu que le corps est capable de produire après une mauvaise chute... C'est incroyable ce que nous sommes riches en volonté de guérir lorsque nous sommes seuls loin de tout, et que nous devons vivre notre quotidien sans faiblir aux changements... Enveloppée dans de l'argile, massée à l'huile des préparations de fleurs récoltées tout au long de l'été,  je suis certaine de récupérer l'usage de ma main très rapidement... J'ai confiance aux plantes que je ramasse, j'ai confiance à la forêt et à la montagne qui m'éduquent, j'ai confiance en l'amour que je leur porte...  ils m'apprennent à admettre l'inconnue. Sans paroles, ils me déshabillent et me rhabillent de forces nouvelles. Ma métamorphose semble me rapprocher de ce que j'ignore encore... Mon corps le souffle à mon cœur. Complices de mon humeur, ils m'encouragent à quitter le monde des besoins inutiles. C'est donc cette route qui vacille actuellement sous mes pas... il ne tient plus qu'à moi de la stabiliser...

     

    plein hiver

    les mille fleurs ramassées en été

    tiennent dans ma main

     

    冬、夏に拾て千の花、私の手で保。

    ふゆ、なつにひろつてせんのはな、わたしのてでほじ。

     

     


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  • libellule


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  • ciel de garance... la lumière soutient les nuages qui s'amoncellent dans le ciel... cela annonce un temps douteux pour demain.  L'air s'épaissit, et retient presque toutes les couleurs du spectre lumineux, sauf le rouge qui trouve toujours le moyen de s'aménager un passage pour dérider la fin de journée. Le vent continue à gémir devant la porte, ramenant par congère les feuilles mortes de la forêt. Difficile d'entendre les chouettes, difficile de saisir autre chose que ce vent qui se déchaîne en bourrasque. Sur le versant, en face, une maison s'éclaire. Cela n'est pas courant, mais je suis heureuse de voir trembler ce point de lumière entre les arbres. 

    La montagne se dépeuple, et avec elle, les cris et les rires d'enfants, de bétails, et toutes les histoires qui les animent. Les maisons se renferment sur leurs odeurs, les jardins reprennent leur aspect sauvage, les vergers se protègent de ces absences en laissant ronces et genêts occuper le terrain. Faute d'être entretenues, les sources se détournent de leur captage à la recherche d'autres âmes à désaltérer. Dans cet arrière pays escarpé, un cycle se termine, celui des vies et des survies, des batailles et des renoncements.  Un autre commence, celui des contemplations et des rêves, celui des attentes et des considérations, celui qui souhaiterait peut-être prendre racine quelque part dans l'espace, et veiller sur le temps.

     

    de garance ce soir

    le ciel  parle du temps qu'il fera

     

     

     


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  • les variations du climat, modulent mes jours, et mes nuits avec cette pointe de caprice qui met sans cesse mon humeur à l'épreuve. La solitude dans les montagnes éveille dans mon corps, dans ma tête  cette sensibilité qui me permet de comprendre de mieux en mieux le ciel, les nuages et les étoiles... Depuis hier soir, il souffle un vent particulièrement violent... les arbres se plient et grincent d’insatisfaction... je m'abrite sous quelques couches de vêtements supplémentaires, reprends mes outils, et remonte dans la forêt le dos courbé par le froid, aussi mécontente que toute la montagne qui m'entoure...

     

    vent violent

     les poules en perdent

    leurs plumes

     

     


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  • la pluie se remet à tomber ce soir... une alternative à la neige qui a recouvert il y a deux jours les montagnes, et qui l'a fait fondre bien plus vite que n'importe quelle autre humeur climatique...

    j'ai des ampoules aux mains, les doigts et le dos engourdis...  le travail en forêt reste toujours aussi astreignant, et selon ce qu'il y a à faire, le corps ne réagit pas de la même façon. Je me retrouve alors surprise de voir des blessures ou des douleurs se former là où je croyais que tout était rodé...

    je rentre au chaud, fatiguée et fourbue, mais de cet épuisement qui me rend heureuse parce que j'ai accompli le travail que je souhaitais réaliser...

    trop mal aux mains pour reprendre les pinceaux... je remets une bûche dans le poêle et m'installe tout contre lui. C'est de chaleur dont j'ai besoin, de chaleur et de silence... mais celui-ci vient tout naturellement ici, surtout lorsqu'on est seul.

     

    laissant la forêt en veille

    ce soir

    seule juge de mon travail

     


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