• les bergers

    bergers , ils le sont depuis si longtemps qu'ils ne se souviennent pas à quel moment leurs ancêtres ont décidé de leur transmettre leur aptitude à la solitude des grands espaces. Humbles vagabonds des terres souvent inhospitalières, ils ont dans leur regard la beauté infinie des jours, des mois et des années de marche inflexibles au temps... D'ailleurs le temps n'existe plus pour eux.. Ils sont là, silencieux, incrustés dans ce paysage qui les a vus naître, là, fondus dans les forêts et dans les montagnes qu'ils foulent quotidiennement jusqu'à se confondre au minéral et au végétal qui les encadrent. Leurs sourires doux et malicieux ne laissent aucun doute sur le savoir qu'ils dissimulent. Dernières sentinelles en veille, derniers indiens en résistance, ils refusent de comprendre ce monde en rupture de tout bon sens. Dans leur gorge, l'accent du pays roule avec une telle intensité, une telle vie, que leur mots s'imprègnent dans les mémoires sans hésitations. Ils sont d'une autre époque, leur maison respire la force des accomplissements. Le décor qui la colore est fait de tout ce qui les entoure, et aucun souci de genre et de style, perturbe cette quiétude spontanée. Ici, tout me parle, tout me touche jusqu'aux petites boucles qui scintillent cristallines aux oreilles de la bergère.

    Sur le Causse aride, la linéarité sévère du relief impose ses lois... Au bout des chênes verts rabougris se dresse une ferme bâtie en pierre du pays. L'odeur acide du buis qui envahit la terre agresse les organes olfactifs. Dans ce coin endolori par la violence des saisons, les arbres ont tellement de mal à pousser qu'aucune ombre ne vient adoucir la lumière  pesante du soleil. Pourtant, un homme et une femme habitent là depuis 40 ans. Ils ne sont pas nés dans une bergerie, mais cela aurait très bien pu leur arriver... Leur vie s'immobilise sur des habitudes perpétuellement accomplies avec amour et fidélité à leurs bêtes qu'ils considèrent comme leurs paires.

    Dans la cuisine, la pénombre rode autour de chaque objet. La toile cirée, usée sur les coins de la très longue table, raconte à elle toute seule, le peu d'importance que représente pour ces bergers, l’esthétique de leur intérieur. Sur le vieux buffet de cuisine, de nombreux objets insolites, ramassés au cours de leurs errances, m'émeuvent tout particulièrement... Je ne compte plus les chiens qui après avoir aboyé lors de notre venue, s'en sont retournés dormir dans les rares coins sombres de la maison. Chacun semble avoir une place  en harmonie parfaite avec le vieux couple de bergers... J'écoute leur histoire en soutenant leurs regards comme si j'y buvais toute leur existence. Mon cœur peine à contenir toute l’émotion qu'ils éveillent en moi, La sincérité de ces êtres  est d'une telle puissance qu'elle en dilate l'air  que je respire, effaçant sans regret tout ce qui est inutile.

     

    table de la cuisine

    la toile cirée raconte

    les mains et les coudes cornés

     

     


  • Commentaires

    1
    Véro
    Dimanche 15 Mars 2015 à 19:23

    des êtres vrais et sincères comme on en rencontre peu, c'est la beauté du monde, et ton haïku m'émeut particulièrement, des souvenirs me reviennent

    2
    Lundi 16 Mars 2015 à 22:41

    je m'en doute bien Véronique, tu as eu toi aussi l'occasion d'en connaître , très proche de toi en plus ... et surtout je te remercie de ton passage

     

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