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le reflet ridé des oiseaux
120 km heure... lorsqu'il déploie une telle force, le vent n'épargne rien...
sous les rafales, le feuillage des arbres s'emballe, l'horizon se trouble et prend une étrange couleur de terre sablée...
me voilà de retour sur une terre familière, me voilà de retour au bord du fleuve... les vagues frappent le ponton abandonné... l'embarcation qu'il retient s'enfonce dans la vase... un martin pêcheur rase la surface de l'eau agitée par le vent... dans le ciel la blancheur de quelques mouettes mélanocéphales heurte le noir de deux ibis falcinelles... (oiseaux menacés en déclin )
tout me parle aujourd'hui et me fait sourire, je suis contente d'errer là où les oiseaux m'entraînent... et pourtant j'ai l'impression qu'il me faut réapprivoiser ce lieu... réapprivoiser cet espace et ce qu'il s'y passe en dehors de ce qu'il m'est donné de voir... réapprivoiser le vent, le soleil et le ciel... réapprivoiser mon comportement, mon observation et ma discrétion...
ce lieu me pousse à me connaître...
trop de vent, je ne peux pas sortir ma lunette... aujourd'hui, je ne peux pas aller à la rencontre des oiseaux... le vent est trop violent... il craquelle et soulève la même terre qui se noyait il y a quelques jours à peine... je tiens avec difficulté mes jumelles ... je m'enfonce dans la lande et dans les marais... je pousse les joncs, les roseaux, m'accroupis entre leurs tiges pour me protéger du vent... j'attends... j'attends... j'attends... je reprends lentement place dans cet univers... je me laisse imprégner de ce qu'il s'y passe... je ne pense à rien... je ne bouge plus... j'attends... j'attends sans espérer quoi que ce soit... j'attends ...
C'est mon jour de chance... Ils viennent à moi, les uns après les autres... les connus, les moins connus et mieux encore les très rares... derrière mes jumelles, leurs manières me font rougir d'émotion... je note ce que je vois... repère les différences et les ressemblances... enregistre leur langage... rassemble le moindre détail de leurs comportements... mais le vent ne me fait aucun cadeau... il a décidé d'élever encore d'un cran sa vitesse... je ne tiens plus... mes mains tremblent, j'ai froid, mes yeux se remplissent de larmes... je ne vois plus rien...
aujourd'hui
dans la lande
le vent me chasse
par rafales
le mistral teste
la souplesse des joncs
sur la rive d'en face
le bois déposé par le fleuve
mort
deux cris
suffisent
c'est un martin pêcheur
trop de vent ce soir
sur le fleuve
le reflet ridé des oiseaux
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