• jusqu'à la brouette de l'enfant...

     

    Orage, le rugissement de l'eau porte ses lamentations au delà des montagnes... Depuis quelques heures le ton monte sur les versants. Les ruisseaux gonflés en torrents dévorent les berges instables, emmenant en vrac tout ce qui entrave leur passage. L'eau frappée en écume déferle des monts avec une sauvagerie rarement déployée.. Dans la vallée les rivières hurlent aux ravages... rien ne sera épargné... On ne s'entend plus parler, seuls les flots indomptés ont droit au langage. Leur colère fait trembler tout ce qui vit sur les rives impuissantes. Les arbres fixés dans leur torpeur, s'accrochent à leur terre natale sans grands espoirs. Certains de leurs congénères flottent déjà vers le large... 
    Il pleut avec une telle violence que la montagne semble s'enfoncer dans la nuit et dans la terreur en pleine journée. L'orage claque autour de la yourte et de la maison sans rémission. Les heures passent, enfermant chaque être vivant dans un silence soumis... De crainte d'exacerber davantage le mécontentement des dieux, les larmes des enfants effrayés coulent sans bruit. Bouchant leurs oreilles fragiles ils cherchent refuge dans l'odeur familière que l'ampleur de mes bras leur offre. Et c'est dans cette odeur qui appartient au clan qu'ils retrouveront peu à peu celles de leurs mères et tout le réconfort qui va avec...

    Cette année pourtant, l'automne est d'une beauté exceptionnelle... Combien de temps lui a t-il fallu pour parfaire les détails d'un tel chef d'œuvre ? Le rythme des changements de couleurs se prête à une déclinaison subtile. Les feuilles tombent avec une lenteur calculée. L'une après l'autre se chargent de quitter la vie dans un dégradé de nuances éclatantes. Elles offrent aux contemplatifs un mystère  qu'ils sauront recevoir sans en chercher la compréhension. Le jaune des bouleaux se fond dans le rouge des érables, le vert franc des résineux garde son intensité à peine variable. Ils dressent à côté des châtaigniers un bilan incontestable. Les uns ont tout perdu alors que les autres nullement dégarnis patientent tranquillement sous des couleurs plus ternes. Il faudra attendre le printemps pour remettre les verts en concurrence, il faudra attendre le printemps pour savoir qui aura survécu à la sécheresse de l'été dernier. Le printemps encore pour avoir la force de regarder la beauté mutante.

     

    jusqu'à la brouette de l'enfant
    la brume a tout avalé


  • Commentaires

    1
    Jeudi 5 Novembre 2015 à 09:43

    +

    le jardin

    sombre dans la brume

    l'âne brait

    +

     

      • Jeudi 5 Novembre 2015 à 18:14

        merci Marcel pour ce haïku de circonstance, ainsi que de ton passage.

        anna

         

    2
    Jeudi 5 Novembre 2015 à 12:42

    quelle belle écriture vous avez. que votre inspiration soit toujours au rendez-vous avec simplicité, gourmandise de sensations et force à dépeindre. merci

    3
    Jeudi 5 Novembre 2015 à 18:13

    c'est à mon tour Marco, de vous remercier de votre attention. Elle me permet de continuer à espérer, que les écritures des choses simples garderont toujours un peu d'intérêt.

    anna

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