sans mouvement
dans la brume matinale
ciel eau étangs
... sur la route menant à l'Est ... le paysage semble s'être arrêté dans la composition de ses couleurs quotidiennes... la lumière triste de la terre défilant à mes côtés, sombre sans manière dans les étangs léthargiques... le ciel gris-immobile, se noie dans l'eau stagnante...
l'horizon a disparu...
insensibles à ce paysage sans couleur, mouettes et goélands traînent cette grisaille impertinente...
le silence a une couleur
le chant des oiseaux
une nuance
Plus j'avance vers ma destination, plus le temps semble aux aguets, ne laissant aucun souffle pénétrer le delta... les filets de pêche, sur les étangs se balancent indolents, sans avoir rien à faire... les cormorans perchés sur les piquets, ailes tendues comme des fils à linge, figent mollement ce paysage de peintre... l'atmosphère change de texture, la tessiture du chant des oiseaux, de puissance ... le solstice derrière eux marque déjà le temps des préparations laborieuses de printemps ... loin devant, mais si précieux à atteindre
la route tourne légèrement
sous les joncs couchés
des taches de neige
et j'avance... comme dans un rêve... j'avance étourdie... j'avance l'esprit incroyablement ouvert... sans attente et sans question... juste là, là, là...
Sortant de ma voiture pour couper un peu de bois ( dieu, ce qu'il en faut pour pouvoir passer un hiver sans trop se cailler..) je les entends au loin dans les champs... trop loin... je monte sur le toit de ma voiture pour surplomber la végétation qui me barre la vue...
jumelles au point, je les cherche... et enfin les repére aux confins de ce gris piqué de terre... Belles, élégantes, toutes cendrées, pointant leurs petits calots rouge sur l'avant de leurs têtes... sans pudeur, esquissant déjà leurs premières salamalecs de printemps... les grues cendrées, têtes plongées dans les rizières glanent leur nourriture... redressent de temps à autres leurs becs et trompettent bruyamment en direction du ciel...
Ce coin là pourtant ne fait pas partie de leur axe de migration... C'est une fantaisie singulière qu'elles ne se permettent pas de faire chaque année... mais lorsqu'elles décident pour une raison tout à fait personnelle de piquer vers le delta... elles remplissent de leurs charmes les yeux et les oreilles des ornithos ...
venue
sans question et sans attente
les rizières se découvrent
ton sur ton
tout est gris ce matin
sans manière
un peu de brise
ce soir
divise ciel et étang