• Suède

    Les côtes ne disparaissent jamais vraiment lorsqu'on traverse la Baltique... le Danemark hante l'horizon à l'Est, tandis qu'à l'Ouest se dessine une géographie plus flou. L’incertitude des îles qui émergent d'année en année définit un relief instable... Très vite la Suède nous tend son ventre rond, et nous invite à accoster en silence...

    Arrivé au port de Trelleborg, le ferry déverse les tonnes de véhicules qu'il transite chaque traversée. Parmi eux, les congélateurs ambulants, ces campings cars de toutes origines sortent des entrailles du bateau, avec la même désolation que les conducteurs qui les occupent... Notre voiture est coincée entre ces masses de plastiques blancs moulés respirant l'ennui, les habitudes et le ronronnement des gens monotones. Nous quittons ce lieu de morosité sans regret, et prenons la route de l'Est sans aucune préméditation, sans aucun plan en tête... Nous nous laissons porter par les cartes et leur mystère, par la géographie qui nous inspire et par l'envie d'arriver à un moment ou un autre en Laponie... la rencontre avec le monde sauvage reste notre seul gouvernail... Et la Suède est un des pays les plus sauvages de notre planète...

    Les lacs et les forêts deviennent très vite nos seuls compagnons de voyage... les routes s'étendent sans relief devant nous et nous ne manifestons aucun ennui.... Les lacs restent de marbre et les forêts d'un silence limite supportable... les myrtilles et les airelles tachent nos vêtements dès que nous nous introduisons dans les sous bois. Je n'en n'avais jamais vu autant et ne cesse d'en cueillir pour le plaisir de les voir  colorer mes dents, et le contour de mes lèvres. La forêt, avec cette générosité de saison qu'elle dispense sans compter, m'offre le relief d'une saveur que j'avais oubliée.

    Entre les mousses et les lichens, je perçois son regard interrogateur... elle m'absorbe dans ses tourbières,  m'invite aux limites de ses inconstances. Lorsqu'elle se fait plus docile, la forêt nous aménage des passages plus ou moins distincts, nous aidant à progresser très lentement dans son univers... un peu comme si dans un élan de grivoiserie elle soulevait un pan de ses jupons et nous invitait à nous y perdre. Sans hésiter,  nous nous laissons séduire par ses manières, enjambant les arbres morts, contournant les résurgences d'eau, les ruisseaux, les rivières et les marais, nous plongeant dans son centre, sans jamais atteindre son cœur... Le battement n'en est jamais très  loin, mais jamais suffisamment proche pour que nous puissions en mesurer les palpitations...

    Il ne nous reste plus alors qu'à nous retirer avec la même discrétion que celle qui nous a permis d'aborder sans perturber, ses humeurs de géante recluse... Laissant les oiseaux, et tous les habitants qui s'y réfugient gérer l'harmonie qui la maintient en vie, nous reprenons notre route, vers d'autres forêts, d'autres lacs sans nom et sans histoire.

     

     

     


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