-
Par anna.nomade le 28 Octobre 2011 à 17:37
derrière le portail rouillé, le jardin repose sous l'immense tilleul. La maison, trop vieille pour qu'on se souvienne de son absence, attend aphone que nous poussions la porte gonflée par les premières averses de l'automne... Il pleut. Le ciel sombre pointe au dessus du toit son noir menaçant des jours de colère... Mais aucune contrariété ne le provoque et la nuit se présente plus calme que prévue.
Un tour de clé, et la maison s'ouvre dans un frottement feutré... Les deux enfants qui m'accompagnent se réfugient derrière moi, impressionnés par la hauteur des plafonds et la grandeur des pièces... Dans cette ancienne bâtisse de maître, le temps s'est agrippé aux meubles cirés et aux rideaux empesés... Les parquets grincent, les portes chuchotent, les armoires soupirent, les lits emprisonnent sous leurs draps tendus des amours pudiques. Dans le grenier une autre génération de jouets repose sur les étagères... L'odeur de plus d'un siècle et demi d'histoire imprègne chaque grain de poussière et dans la lumière du soir les ombres s'étirent sur le relief des vieilles pierres. J'allume la cheminée, les deux enfants déposent leurs bagages dans la salle de séjour. Ils ne sont pas habitués à entendre les murmures que provoque notre présence entre ces murs paisibles... Sur le balcon les chats miaulent effrontément... dans le noyer une chouette marque son territoire... Premiers rires d'enfants, les tapisseries ternies par manque d'obscurité frémissent... Pendant que le repas chauffe dans la cuisine, la maison nous apprivoise tranquillement, et nous ouvre son âme pour nous laisser entrer en elle sans résistance.
bol de soupe chaude
le regard indéfini
de l'enfant
dans le même lit
un peu inquiets
les deux enfants se racontent des histoires
flétri
le jardin a perdu son élégance
de l'été
un rang d'ails
un rang de petits pois
semis d'automne
le tilleul se sépare de ses feuilles
lassitude du vieux banc
la peinture craquelle
sous l'arbre centenaire
après le travail
mon dos fatigué
tout contre le vieux banc
votre commentaire -
Par anna.nomade le 22 Octobre 2011 à 13:08
C'est le temps du changement, le temps des couleurs, le temps de la lumière désordonnée, le temps du flottement, le temps de la clairvoyance, le temps du retrait... Le rouge éclatant des érables, et des hêtres donne le dernier ton de chaleur au ciel... Quelques oiseaux indécis se décident en urgence de rejoindre leurs terres d'exiles.
là-bas au Japon cet évènement tout comme Hanami, est un instant de fête nommé Momijigari...
coup de vent
les feuilles se perdent
dans l'air
relevant leurs branches
la résistance
des arbres nus
flottement
provisoire
du monde
votre commentaire -
Par anna.nomade le 19 Octobre 2011 à 21:44
dans certaines régions de France, la rosalie est un coléoptère menacé. Il n'est pas très facile d'en rencontrer... mais lorsqu'il veut bien nous faire cadeau de sa présence et de son bleu somptueux, nous ne pouvons qu'être stupéfaits devant tant de beauté et de perfection... La rosalie porte sur toute la longueur de ses antennes, de petits pompons de soie d'un noir intense qui souligne la profondeur du bleu de son corps...
le monde des insectes me fascine à son tour... avec les oiseaux toujours autant présents dans ma vie, j'associe peu à peu cette nouvelle dimension.
Peindre les insectes n'est pas une mince affaire... il m'a fallu presque trois mois, pour arriver à saisir l'esprit de la rosalie... il m'a fallu près de trois mois pour comprendre le silence de son langage, et pouvoir enfin la représenter
ces insectes que l'on ignore
sans qui
nous ne pourrions vivre...
rosalie des alpes
votre commentaire -
Par anna.nomade le 12 Octobre 2011 à 22:18
avant première le 12 /10/2011
tout commence par un problème de portage d'eau ... Nous sommes dans un pays du Maghreb, une région aride et déserte, un village, perdu à flanc de montagne que les femmes gravissent quotidiennement pour chercher l'eau nécessaire à la communauté. Mais le chemin qui y mène est abrupt, difficile et rocailleux...Il arrive parfois que l'une d'entre elles, tombe et perde en silence l'enfant qu'elle porte... Cela dure depuis la nuit des temps, depuis que l'homme dans son intérêt aveugle, soumet la femme à ses volontés... Mais trop c'est de trop. Les temps changent ailleurs et partout. Le téléphone portable a pris sa place dans ces coins reculés, pendant que les femmes continuent, sous le regard des hommes paresseux, et des touristes en manque d'exotisme, de travailler comme des bêtes de somme. Puis dans l'ombre de la nuit, à l'insu de tout regard elles se font violer et battre sans ménagement.
la révolte gronde... les femmes s'endurcissent... elles surmontent les coups et les sarcasmes des hommes privés de l'essentiel. Parce que pour avoir gain de cause et imposer un autre moyen d'acheminer l'eau au village, elles décident de faire la grève de l'amour...
une femme ne vit pas sans eau, et encore moins sans amour. Elle ne peut aimer, que libre de toute contrainte... Ce film est un cri vers cette urgence... vers cet éminent besoin d'intelligence...
votre commentaire -
Par anna.nomade le 10 Octobre 2011 à 19:54
par fragments, je reviens à cet étrange Japon, qui gangrène mon esprit... Je n'ai pas le moyen de l'apprivoiser, et de mieux le comprendre, j'ai tout juste le moyen d'en parler... Ce pays au mille facettes, qui se respire sous les volcans et dans l'inquiétude des tremblements, laisse en moi, comme une rupture de repères, que je ne cherche plus à reconquérir... Il flotte en moi une impression de rizière, de montagne, de mer et d'océan... une impénétrable sensation de déracinement donnant au vide une autre texture... une autre tessiture... un autre battement... et au plein, un équilibre encore plus précaire...
j'ai tout laissé là-bas... mes pinceaux, ne réagissent pas aux émotions que je souhaiterais partager, et l'écriture reste sans nerfs et sans profondeur... je suis dépossédée du peu que je savais faire... Mais je sens que lentement se développe à la place, une autre force que je ne sais pour l'instant ni identifier, ni utiliser... J'espère simplement, que ma pensée, mes mains et mon coeur, sauront en leur temps en faire quelque chose...
douleurs aux cuisses
le sentier sans lacets
s'éloigne en fumerolles
vu d'en haut
rizières minuscules
aux immenses forêts
retournant au travail
où sont-ils
ces arbres à saluer ?
j'entends leurs sourires
au loin
octobre
les oiseaux reprennent
leurs conversations
automne
les papillons fanent
avec les dernières fleurs
un peu de thym
fraîchement ramassé
tombe de mon sac
où ai je laissé mon coeur ?
votre commentaire -
Par anna.nomade le 26 Septembre 2011 à 13:06
Premières images, des femmes avancent vers leurs cimetières respectifs dans une danse funèbre à la cadence sinistre d'une marche qui se fracture sur une terre escarpée... Elles sont libanaises, pleurent à tour de rôle leur père, leur mari, leur frère, leurs fils... Guerre impitoyable qui n'épargne rien... arrache tout sur son passage... même le courage des plus téméraires... Mais elles en ont mares... elles sont musulmanes et chrétiennes et veulent la paix dans leur village coupé du reste du Liban par les mines qui l'entourent... Cette volonté l'imam et le prêtre la soutient sans condition...
sur toile de fond d'un drame qu'on ne voit jamais, la vie dans ce village bat comme un coeur survolté ... Tout y est permis pour maintenir le calme et ces mères, ces filles ces soeurs et ces femmes ... iront jusqu'à l'impossible pour calmer la ferveur guerrière de leurs hommes...
votre commentaire -
Par anna.nomade le 23 Septembre 2011 à 12:44
sans me connaître
le vieux japonais me plie
un oiseau en papier
6 bols vides
dans mes bagages
quelques grains de riz
quittent l'archipel
clandestinement
au pied des volcans
la vie de tous les jours
je me réveille
encore
là-bas....
votre commentaire -
Par anna.nomade le 27 Juillet 2011 à 16:53
accroché aux perches de la yourte
le hamac balance
son bébé endormi
assise contre le mur chaud
le vent tourne
les pages de mon livre
coin de la pièce
mon sac à dos
plein
parapluie ouvert
sous les grosses gouttes de pluie
la pluie
efface les odeurs
de la terre
trop tard !!!
le blé se couche
sous l'averse
dans mon carnet de haïku
quelques mots
en japonais
deux lucanes
traversent la route
........................!
pompons
jaune-orange sombre
fleurs de carthame
silence radio sur le blog
les bruits du japon
viendront en septembre
votre commentaire -
Par anna.nomade le 12 Juillet 2011 à 16:55
4 heures et demi du mat.
interminables
les tournants qui mènent au Causse
nocturne-
sous les chênes verts
la yourte brille comme un lampion
la chouette se tait
de longs gémissements
traversent le feutre de la yourte
elle me sert la main...
le jour se lève
nuageux
le son monocorde d'un pinson
une heure
deux, trois puis quatre
elle se bat avec courage
on ferme la yourte -
comme un second ventre
toute la chaleur pour le nouveau-né
dans la pénombre
l'enfant naît
avec le chant des cigales
dernier battement du cordon
un coup de ciseau
sépare la mère de l'enfant
les regards se croisent sans bruit
dehors
la montagne reprend
son souffle
votre commentaire -
Par anna.nomade le 11 Juillet 2011 à 16:43
la mémoire est un chant, si celui ci n'est plus pratiqué la mémoire s'éteint... Tradition orale depuis la nuit des temps, chaque vibration de ce chant capte une histoire de vent, d'immensité, de chevaux et de turbulence... tout se réunit dans la beauté diphonique des voix qui tremblent dans la steppe... Pourtant sur la frontière des deux Mongolies, la mémoire s'effrite dans le ciel infiniment bleu... Les voix oublient leur magie parce que l'histoire n'est plus comprise n'est plus entendue... Urna Chahar Tugchi chanteuse et ambassadrice de la Mongolie intérieure tente de retrouver quelques fragments de ce chant. Elle s'enfonce au Nord de la Mongolie extérieure, chez ses cousins indépendants, pour rassembler ces bouts d'histoire qui façonneront pendant un temps encore le sourire de ce peuple courageux...
votre commentaire -
Par anna.nomade le 1 Juillet 2011 à 15:20
mes pieds foulent les terres du Haut Languedoc... Dans le silence du soir qui tombe, nous parcourons les derniers kilomètres de piste qui nous mènent à ce lac caché entre les résineux et les hêtres quelques fois centenaires... les sureaux sont encore en fleurs... au bord du lac, l'été a pris du retard... un circaète plane lentement au dessus des tourbières, tirant les dernières lueurs du jour vers les profondeurs de la nuit ... Entre chien et loup , les animaux descendent boire dans l'eau tranquille du lac... un chevreuil passe à quelques mètres de moi... nous nous regardons sans bouger, puis il continue son chemin sans crainte... au loin, le chant de quelques nocturnes viennent ricocher sur le lac en dormance... le silence ne s'impose pas... il se glisse discrètement dans nos coeurs et dans nos têtes... Derrière les genêts un pré plein de fleurs nous offre sa douceur pour la nuit... et nous l'acceptons avec moult remerciements...
Nuit étoilée, sans mouvement... ciel et terre ont décidé de ne rien manifester... au lever du jour, le même accueil nous attend... les oiseaux montent le ton sans urgence... Ici, tout paraît éternel ...
plus haut dans la montagne les mouflons, se cachent dans les rochers... nous les retrouverons au couchant et les observerons à notre tour perchés sur les rochers...
pendant que le monde évolue dans son horreur, que Fukushima tremble sous la menace, que Los Alamos encerclé par un incendie non maîtrisé, tente d'évacuer la totalité de ses déchets radioactifs qui stagnent hors zone de sécurité...
que la centrale nucléaire de Fort Calhoun se trouve inondée par les crues du Missouri .. .http://videos.next-up.org/EhsTvNews/Fort_Calhoun_Excerpts_From_CNN_Report/29_06_2011.html... et que les médias se taisent scandaleusement... je foule les herbes et les cailloux de cette terre haute qui semble sommeiller hors temps... et pourtant sous mes pieds, je sens sa force... je sens son désespoir et sa rage... je sens ses larmes... Ma main caresse les arbres, le vent passe furtivement dans les grands feuillages... il traduit leurs émotions... la parole des arbres ne trompe personne... même si on ne les entend pas, ils chuchotent entre eux... et palabrent comme des sages...
rien ni personne ne pourra plus jamais me faire revenir en arrière... mes pas me portent dignement vers une autre dimension...
chez moi... un billet d'avion m'attend... à destination de ce pays sauvage où vivent les grues Tancho... ce pays qui touche du bout de ses terres, l'île de Sakhaline... ce pays dont je rêve depuis si longtemps... ce pays qui souffre dans son centre, depuis le 11 mars...
j'attends Hokkaïdo, pendant que Hokkaïdo m'ignore...
mais j'espère laisser dans mon sillage quelques écrits des splendeurs qu'il voudra bien m'offrir...
Sans itinéraire et sans but... partir camper dans la quatrième île du Japon, parcourir les montagnes, les volcans, les vallées, les torrents, à la recherche de son âme, de son centre, éveille tous mes sens..... De son nom, cette île évoque "la voie de la mer du nord"...M'accordera t-elle un peu de son mystère... ???
pas à pas
je m'éloigne
de moi-même
hautes terres
dans les tourbières
les grenouilles festoient
légers comme l'air
les roitelets se balancent
au bout des sapins
dans mon sac
le parfum des fleurs de sureaux
trace mon passage
votre commentaire -
-
Par anna.nomade le 18 Juin 2011 à 20:33
nuit d'été
la forêt puise l'eau
du ruisseaunuit d'été
les étoiles rebondissent
sur les pierres du cours d'eau
rochers moussus
la bave des limaces
s'enchevêtre sans explication
à la ceinture
un petit sac se remplit
de plantes médicinales et tinctoriales
fleurs de carthame
pour en faire rougir la soie
beaucoup de patience
les lichens
vieux vieux vieux
se reposent sur l'arbre mort
remontant le ruisseau
le cri d'une chouette
accompagne le vent
votre commentaire -
Par anna.nomade le 7 Juin 2011 à 18:22
la laine remplit la maison... les plantes tinctoriales rangées dans des sacs cousus à leur intention, offrent leurs odeurs avant leurs couleurs ... henné, curcuma, garance, écorce de grenat, fleurs de carthames parfument l'endroit où je vis ...
à toutes ces subtilités sauvages, s'ajoute l'essence de cyprès d'une guitare en train d'être vernie au tampon... Tout se confond et je m'endors dans ces magnifiques éclats d'odeur
avant de colorer la laine
les plantes offrent à la maison
leurs odeurs
dans le panier
un peu de forêt
s'accroche à la laine
châtaignier et suin
traversent
les laines lavées
mes rêves se colorent
de bois et d'herbes sauvages
votre commentaire