• voilà le silence

    qui fait de ce haiku

    un haiku

     

     

    et dans la marge

    ni  entrée ni sortie

    une pause entre les mots

     

     


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    Les dieux sont partis. Ils sont partis déçus, effrayés par toute cette ignorance que nous persistons à développer. Les dieux sont partis, emmenant avec eux toute l'inspiration dont nous avions besoin... Les dieux, nous oublient et ne nous laissent que l'orgueil et l'ennui qui nous dispersent... Les dieux sont partis sans se retourner sur notre égoïsme. Las de nos comportements sclérosés, ils se taisent et se replient dans leurs éléments... Les dieux sont devenus des fantômes muets... 

    Les dieux sont partis, nous laissant l'écriture pour anéantir notre mémoire... depuis nous sommes condamnés à écrire, écrire, écrire, pour ne pas perdre le souvenir de notre existence... les paroles, autrefois transmises par les chants, les poèmes  et une mémoire infaillible de ceux qui étaient chargés de les préserver, se sont éteintes avec ces peuples et ces cultures qui leur donnaient vie.

    Les dieux sont partis, nous abandonnant à notre vacuité. Nous ne les intéressons plus... Nous détruisons leur univers, nous massacrons le notre, nous désorganisons le vivant pour le formater à nos exigences, et nous mourrons lentement, sans même prendre conscience du rempart derrière lequel nous nous  emprisonnons.

    Les dieux sont partis, nous laissant tour à tour jouer au bourreau et à la victime. Et nous appliquons leurs règles de jeu avec une parfaite bêtise sans avoir compris qu'ils se vengeaient de notre insuffisance...

    les dieux sont partis... oui... mais pas tous. J'en ai rencontré un, rampant dans mon jardin... j'en ai vu deux perchés sur les branches du cèdre... et dans le fond de la mare il en nageaient quelques uns avec les grenouilles. La nuit aussi, par temps clair, j'en entends bavarder dans les trous des murs... et même une petite déesse est venue tisser sa première toile dans la yourte. Les plus courageux sont restés, avec ceux qui savent les entendre et les observer en silence... Ils veillent sur nos jardins et nos espoirs, ils nous apprennent à attendre sans attendre... à voir au delà de nos limites... à parler sans écrire...

     

     tomates et courges quittent la  chaleur de la serre

    accompagnées de leurs dieux

     

     

     

     

     

     


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    Elle apparaît, terminée dans sa splendeur et sa modestie au  bout de la terrasse, seule, sans ancrage, sans histoire, sans destin. Elle invite les gens qui passent,  s'ouvre et se referme sur leur disponibilité.  Du jardin, j'en vois sa rondeur légèrement conique, ses cordages qui retiennent ses toiles et ses feutres... Combien de temps restera-telle là ?

     

    Avec les jours qui se réchauffent et se rallongent, me reprend l'envie de marcher loin, seule, plusieurs jours sur les crêtes et dans la forêt. À  la rencontre des mystères, observer jour et nuit ce qui palpite autour de moi... m'oublier jusque dans le moindre souffle, pour ne ressentir que les pulsions monter des profondeurs. Laisser le vent traverser mes veines et mes pensées, le soleil cuire ma peau jusqu'à épuisement et  renaître entre la fatigue et les nuits sans sommeil par l'inconfort des sols irréguliers, ou trouver sous un arbre le refuge idéal pour un peu de repos...

    Écrire le silence... peindre avec quelques pinceaux perdus au fond du sac, l'équilibre qui me porte. Je veux aller au bout de ce que mon esprit et mon corps peuvent m'offrir... entendre le froissement des chuchotements nocturnes, le frôlement de tous ces êtres qui grouillent le jour...

     

    Regarder la nuit glisser dans le jour, le jour s'introduire dans la nuit.... voir la lune côtoyer le soleil... Prendre le temps de s'égarer sur les sommets voisins et dans le temps contempler le vide et le plein.

     

    bol de thé chaud

    ce matin

    partagé avec un bourdon

     

     

     

     


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  • chaque fois qu'une yourte se dresse vers le ciel, s'élève avec elle l'insubordination des  néo-nomades qui la portent en eux comme un symbole de résistance au monde absurde qui les rejette... Sa rondeur désinhibe  les habitants qui l'occupent, sa douceur absorbe les angoisses. Les soirs et les jours de temps tristes, elle se referme sur eux émettant de son ventre, cette  chaleur presque humaine capable de  consoler toutes les peines.  Du lever au coucher, à la saison douce, elle s'allège de ses feutres et de ses toiles, pour laisser entrer brise et lumière à leur juste mesure.

    chaque yourte dressée repousse un peu plus loin l'oppression qui s'obstine à nuire les derniers hommes libres... chaque yourte dressée est un défi à la guerre, à la consommation, à la pollution, à la destruction du vivant... Chaque yourte dressée est un élan de simplicité vers la vie...

     

     

    aucune ombre pour se reposer

    en fleur les arbres n'invitent que les abeilles

     

     

     

     

     


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  • il me faut parfois marcher de longues heures, pour progresser dans mes pensées, de longues heures pour saisir quelques nouveaux détails susceptibles d'éveiller un peu plus ma conscience. Les idées se bloquent dans un recoin du corps et cherchent le passage indispensable à l'échappée salutaire... Parfois elles tardent à faire surface, parfois elles sont parasitées par d'autres difficultés. Sans perdre leur constance elles mûrissent dans une partie secrète de mes incohérences et attendent d’émerger au moment opportun. C'est ainsi que je fonctionne avec ce que je peins et ce que j 'écris. 

    Lever du jour, lundi 6 de ce quatrième mois incertain de l'année. Au sud du massif du Dévoluy, le thermomètre nous nargue de ses  -7°, et sortir de nos duvets demande un peu plus de courage que prévu. Nous sommes à 1400 m d'altitude, tout est gelé jusqu'au petit ruisseau qui  dans la nuit s'est figé en pleine descente. Les herbes n'ont pas encore repris goût à la vie et, dans ce froid ostentatoire traîne un relent effronté d'un hiver séditieux qui nous agresse. Cette indélicatesse de l'hiver n'impacte pourtant pas les habitudes saisonnières de la petite grive musicienne qui, volontaire et tenace, brave de son chant mélodieux toute la forêt et le givre qui la fige. Nous replions nos affaires discrètement et préparons nos sacs à dos pour l'ascension prévue.  Le plateau de Bure par la combe de Ratin, nous pose vite quelques problèmes techniques. Les pentes sont raides et gelées, la progression très lente. Les piolets sortent des sacs et les pointes des raquettes nous servent de crampons... Nous avons 1100 m de dénivelé à grimper, le froid et le soleil gèle et brûle nos visages... le vent termine ce que les deux autres éléments ont oublié de buriner. C'est dans ces moments intenses, que les idées perturbées par l'évidence implacable de la situation se replient sans manière dans l'arrière boutique de mon cerveau et me laissent enfin en paix... c'est à ces moments là qu'une certaine lucidité étrangère aux interminables interrogations stériles, se dilate dans mes muscles et dans mes veines, prenant comme seule initiative, celle de me faire avancer autant dans mon détachement que dans ma responsabilité de ne pas chuter.  Sur le plateau, le vent reprend son insoutenable violence, nous privant  d'entendre la subtile complainte des sommets.  Gelés, crispés dans leur condition, blanchis par une ultime couche de neige tombée la veille, ils ajustent ciel et terre par leur beauté mutante, et dans l'univers souverain présentent leur existence comme des modèles à peindre avec encre et poésie.

     

     

    pour avoir atteint le sommet

    un jour de congé

    le peintre devient poète


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  • Lui, cet homme dont je ne saurais déterminer l'âge, la tête couverte d'un béret qui semble le protéger de tous les temps, fringué d'un pantalon de velours aux teintes des labours quotidiennes, parle de son amour pour les terres qu'il cultive avec ses chevaux, avec une telle passion,  que même le vent qui souffle en rafale semble se calmer pour l'écouter. Ses chevaux de trait sont magnifiques. Il  les mène au travail sans jamais les brusquer. Dans ses yeux pétille tout la jouissance que lui apporte cette parfaite harmonie avec ses bêtes. La terre prend un autre goût lorsqu’on la préserve de cette manière là. Guidant ses chevaux avec dextérité, ceux-ci, lui sont reconnaissants et répondent consciencieusement à toutes ses attentes. Personne ne voudrait rompre cette osmose qui unit ces êtres de cœur. Ils sont là pour nous rappeler que le temps d'un labour est un temps de travail, de partage et de complicité ajusté à la cadence de leurs efforts. Homme et animaux transpirent,  homme et animaux retournant à la ferme se rassurent sur le travail qu'il reste à faire et sur la récolte dont ils bénéficieront....

     

    sur les flancs du cheval

    la sueur se mêle aux poils usés

     

     

     

     

     


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  • alors qu'elles accompagnent une bonne partie de mes jours, au printemps lorsque les fleurs recouvrent leurs  sommets, les montagnes me deviennent mystérieusement étrangères. Leurs courbes ondulent dans le ciel comme une mer provisoirement docile. Le soleil à son tour s'installe dans ce tableau éphémère laissant sa pâleur des jours d'hiver en réserve, pour dorer de son jaune le plus intense l'ébauche de ce chef d’œuvre. Un mélange de tristesse et de beauté auquel mon esprit ne peut se soustraire, donne à cette nature débordante de vie, une touche trop personnelle que je m'empresse de supprimer. La nervosité des oiseaux, se fait ressentir au delà de leurs limites. Migrateurs et sédentaires, se soumettent aux dogmes régis par cette tyrannie de survie qui  leur est périodiquement imposée... Mieux que nous, ils savent que l'enjeu ne se discute pas, et  s'attachent à leurs devoirs avec soin et attention. La bataille est d'autant plus difficile que ce temps limité, leur est compté.

    En cette saison de troubles, la brume elle-même ne sait que faire de sa densité et certains matins, elles se rétrécie au fond de la vallée, au dessus des toits des maisons, espérant peut-être que dans ses recoins mal exposés le soleil ne parvienne pas à la chasser.

    Observer ce qu’il se passe autour de moi, en gardant cette place infinitésimale réservée aux êtres discrets, devient un jeu d'enfant. Un personnage au fond de la toile dont on ne distingue plus qu'une silhouette floue, voilà ce que la brume cherche chaque jour à faire disparaître avant que le soleil génère sa loi.

     

    poème sans paroles

    déposé avec les graines

    dans la terre souple du jardin

     

     

     

     


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  • bergers , ils le sont depuis si longtemps qu'ils ne se souviennent pas à quel moment leurs ancêtres ont décidé de leur transmettre leur aptitude à la solitude des grands espaces. Humbles vagabonds des terres souvent inhospitalières, ils ont dans leur regard la beauté infinie des jours, des mois et des années de marche inflexibles au temps... D'ailleurs le temps n'existe plus pour eux.. Ils sont là, silencieux, incrustés dans ce paysage qui les a vus naître, là, fondus dans les forêts et dans les montagnes qu'ils foulent quotidiennement jusqu'à se confondre au minéral et au végétal qui les encadrent. Leurs sourires doux et malicieux ne laissent aucun doute sur le savoir qu'ils dissimulent. Dernières sentinelles en veille, derniers indiens en résistance, ils refusent de comprendre ce monde en rupture de tout bon sens. Dans leur gorge, l'accent du pays roule avec une telle intensité, une telle vie, que leur mots s'imprègnent dans les mémoires sans hésitations. Ils sont d'une autre époque, leur maison respire la force des accomplissements. Le décor qui la colore est fait de tout ce qui les entoure, et aucun souci de genre et de style, perturbe cette quiétude spontanée. Ici, tout me parle, tout me touche jusqu'aux petites boucles qui scintillent cristallines aux oreilles de la bergère.

    Sur le Causse aride, la linéarité sévère du relief impose ses lois... Au bout des chênes verts rabougris se dresse une ferme bâtie en pierre du pays. L'odeur acide du buis qui envahit la terre agresse les organes olfactifs. Dans ce coin endolori par la violence des saisons, les arbres ont tellement de mal à pousser qu'aucune ombre ne vient adoucir la lumière  pesante du soleil. Pourtant, un homme et une femme habitent là depuis 40 ans. Ils ne sont pas nés dans une bergerie, mais cela aurait très bien pu leur arriver... Leur vie s'immobilise sur des habitudes perpétuellement accomplies avec amour et fidélité à leurs bêtes qu'ils considèrent comme leurs paires.

    Dans la cuisine, la pénombre rode autour de chaque objet. La toile cirée, usée sur les coins de la très longue table, raconte à elle toute seule, le peu d'importance que représente pour ces bergers, l’esthétique de leur intérieur. Sur le vieux buffet de cuisine, de nombreux objets insolites, ramassés au cours de leurs errances, m'émeuvent tout particulièrement... Je ne compte plus les chiens qui après avoir aboyé lors de notre venue, s'en sont retournés dormir dans les rares coins sombres de la maison. Chacun semble avoir une place  en harmonie parfaite avec le vieux couple de bergers... J'écoute leur histoire en soutenant leurs regards comme si j'y buvais toute leur existence. Mon cœur peine à contenir toute l’émotion qu'ils éveillent en moi, La sincérité de ces êtres  est d'une telle puissance qu'elle en dilate l'air  que je respire, effaçant sans regret tout ce qui est inutile.

     

    table de la cuisine

    la toile cirée raconte

    les mains et les coudes cornés

     

     


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  • Troisième mois de l'année déjà. Vieillir apporte plein de douceur et de rondeur. Les révoltes intérieures font place à des incertitudes détachées. Les questions s'égarent dans le vide, alors que le monde du vivant prend un sens spirituel tout en évitant le pire. Les dogmes impériaux, quels qu'ils soient ne sont plus une menace. Libertaire jusqu'au bout de mon ombre, je regarde  les saisons traverser mon temps avec sérénité.

    Chaque coup de bêche est un hymne à la vie qui bouge sous terre. Un univers  grouillant de surprises se faufile entre les dents de l'outil. C'est  la manière qu'a le jardin de me conter ce que le monde abrite entre les graines en "germence"et les vers de terre qu'il nourrit. Il faut retourner la terre, et y déposer  les pommes de terre en fil indienne. Pour connaître ses besoins je la goûte et découvre ses souhaits. La nourrir demande au printemps une attention toute particulière et beaucoup d'amour. Je dois l'aider à trouver ce dont elle a besoin pour que je puisse à la saison venue partager avec elle les récoltes.

    le soleil incline sa force sur la métamorphose de mon existence. La fatigue impose un peu trop souvent ses règles et me terrasse à l'instant même où je souhaiterais qu'elle m'oublie. Je n'ai d'autre choix que de prendre cet état comme une déclinaison incontournable de mes efforts. Elle n'est pas forcément mon ennemie, mais ne tient pas toujours compte de mes urgences et me laisse parfois en plan dans mon travail.

     

    Les bourgeons des arbres se gonflent de fierté, tout en réveillant fermement la forêt encore engourdie. Je pense à mon autrefois avec bonheur... Les atermoiements du monde m’effraient pourtant. Ils basculent vers un obscurantisme où la valeur des mots se perd dans l'ignorance. Écrire devient de plus en plus difficile. L'écoute égare sa disponibilité,  la poésie sa dignité.

     

     

     

     

     


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  • la pente raide couverte de neige indéfinissable, sollicitait toute l'énergie qu'il me restait dans les jambes et les pieds pour gravir cette mauvaise passe...

    Versant nord, tout aurait pu nous être favorable, mais, ce matin là, cette option des choses n'avait pas été retenue dans nos fonctions  d'errance... La montagne, fidèle à son immobilité capricieuse, indifférente aux agitations de deux humains en galère, gardait dans sa dignité de titan toute l'insensibilité qu’exige son statut de haut rang. Nous avions besoin de son avis, et nous avions beau l'observer avec grand intérêt, elle ne semblait pas vouloir nous accorder de son temps. Il nous fallut donc évoluer sur ses flancs sans ses conseils, augmentant par la même, la complexité de notre progression.

    Trois heures,  trois heures pour gravir péniblement quatre cent mètres, trois heures à ne plus savoir si nous devions ou pas garder les raquettes aux pieds. N'avançant parfois qu'au prix d'insurmontables efforts, faire demi tour devint bientôt tout aussi dangereux que progresser vers le plateau. La pente vierge de tout passage ne laissait aucun doute sur les difficultés à entrevoir et une fois engagés nous n'avions d'autre choix que d'arriver à dépasser notre appréhension pour arriver au sommet. Changeant d'humeur à chaque pas, contrôlant très mal mes doutes et mes peurs,  je laissais mon cerveau réceptionner tout et n'importe quoi, afin de pouvoir lâcher par touches démesurées, mon mécontentement et mon trop plein d'émotions.

     

     juste nos traces

    dans la neige les  histoires s'oublient

     

     

     

     

     

     


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  • sous les vieux arbres en dormance

    la nostalgie  des  petits  temples zen

     

     


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  • Sur les plateaux arides, la végétation évolue avec une telle tranquillité qu'il semblerait parfois qu'elle retient son souffle pour en garder le peu d'humidité que celui-ci contient. Elle épargne sa vie avec acharnement ne poussant que lorsqu'il faut, et tellement lentement, que cueillir quelques unes de ses feuilles, relève à enlever aux plants de nombreuses années de croissance... Tout est sec ici... sur ce calcaire torturé par le vent et le soleil la terre craquelle... les odeurs y sont fortes, les plantes conservent leurs senteurs et leurs vertus à huis clos... Il suffit pourtant d'un rien, seulement d'un piétinement parfois, pour que leurs subtilités sortent de leur clandestinité et éveillent dans nos esprits, tous les plats qu'elles accommodent avec raffinement. Ce n'est pas la saison de la cueillette, mais il me manque quelques unes de ces herbes précieuses. Me permettant une entorse à la règle, je les prie de m'excuser de cette indélicatesse et ne prends que ce qu'il me faut...

    Dans ce ciel d'un bleu presque vulgaire, tant il impose sa profondeur, je cherche désespérément l'aigle de Bonelli. La saison des amours tire à sa fin pour cette aigle méridional, je ne le verrai plus aussi aisément qu'en ces périodes de troubles amoureux... d'autres préoccupations rempliront ses  journées prochaines et sa présence sera de plus en plus difficile à observer...

     

    paroi

    les bruits du village grimpent à toute vitesse

    sans ouvrir de voie

     

     


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  •  par de là les montagnes et les océans, des plaines monotones, aux forêts muettes, le marcheur, pas à pas, cherche la raison de son déplacement. Ses pensées circulent dans ses veines, procurant à ses muscles l'invariant nécessaire à sa progression. Par la fatigue et les besoins élémentaires qu'il assume chaque jour, ses interrogations se dilatent dans sa tête, détournant l'accès de ses tourments. Sa seule volonté d'arriver au bout de son chemin, le conduit à supporter toutes les incertitudes que ce choix lui afflige... des rires aux pleurs, des doutes aux convictions, il passe d'un état à un autre sans aucun contrôle. Jour après jour il abandonne ses obsessions et gagne en quiétude ce que la nuit consolide en sommeil équivalant. Les pieds du marcheur foulent tous les reliefs possibles et inimaginables inscrivant à chaque pas un bout d'histoire dans sa mémoire. le chant de la terre remonte dans ses muscles vers le ciel, vers l'univers, laissant en lui les traces intemporelles d'une existence incontestable

     

     

     

    la roche suinte son trop plein d'automne

    aujourd'hui

    en glace

     


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  • Sur la page encore blanche, un carré de lumière se déplace à la vitesse du soleil. Cette blancheur  fascinante, m'hypnotise... Plongeant à nouveau le pinceau dans l'encre noire je réfléchis à la manière que cette page me pousse à l'investir. Je tourne mon papier, tente une nouvelle approche et pense à cette vieille femme rencontrée au marché de Wajima dans la péninsule de Noto au Japon. D'un autre temps, habillée d'indigo et  de son kappougi que toutes les femmes japonaises portent lorsqu'elles s'occupent dans leurs maisons, elle vendait des sandales en paille de riz, et quelques piments admirablement tressés en collier.

    Ses petits yeux noirs dissimulés sous les plis de sa peau, traversaient l'ambiance apaisée que procurait ce marché local, pour se perdre bien au delà de nous tous... ses pensées étaient ailleurs... perdues dans le temps et les rizières... Elles semblait sans âge, avait cette beauté irrésistible des êtres qui vieillissent avec eux-mêmes. Je remontais le temps avec elle, imaginant son passé, dans cette tranche de vie rurale que ses mains abimées ne pouvaient dissimuler... Connaissant de mieux en mieux l'histoire et la culture du Japon, je la voyais, pendant et après guerre, toujours active et volontaire... sans se plaindre, gérant sa famille et l'argent que son mari rapportait, de main de maître.

    Son regard dur ne laissait place à aucune fantaisie... elle avait dû en vivre si peu, que ces extras n'avaient pu s'aménager une place dans ses yeux. Mais cela n'avait aucune importance et sa présence imposait une telle force qu'elle arrivait à se tailler une existence, même cachée entre les  étals qui semblaient l’engloutir.

    Je ne me souviens pas avoir croisé son regard. Lorsque je l'ai aperçue, elle était déjà trop loin de nous, dans un lieu qui lui était unique et certainement précieux.

    C'est elle que je cherche à peindre aujourd'hui, c'est elle qui éblouit mon papier au point de ne pas réussir à la saisir... Mais je sais attendre et recommencer... juste pour le plaisir de la revoir...

     

    d'un trait de pinceau

    revivre un instant

     

     


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  • nuit au sommeil difficile et agité. De dehors, les bruits, les sons, les souffles, les plaintes, les vibrations, les cris, aussi étouffés soient-ils, prennent tant d'étendue que j'ai l'impression qu'ils s'emparent de la chambre où je somnole... J'ai mal à la main, elle est gonflée et se colore de toutes les nuances de bleu que le corps est capable de produire après une mauvaise chute... C'est incroyable ce que nous sommes riches en volonté de guérir lorsque nous sommes seuls loin de tout, et que nous devons vivre notre quotidien sans faiblir aux changements... Enveloppée dans de l'argile, massée à l'huile des préparations de fleurs récoltées tout au long de l'été,  je suis certaine de récupérer l'usage de ma main très rapidement... J'ai confiance aux plantes que je ramasse, j'ai confiance à la forêt et à la montagne qui m'éduquent, j'ai confiance en l'amour que je leur porte...  ils m'apprennent à admettre l'inconnue. Sans paroles, ils me déshabillent et me rhabillent de forces nouvelles. Ma métamorphose semble me rapprocher de ce que j'ignore encore... Mon corps le souffle à mon cœur. Complices de mon humeur, ils m'encouragent à quitter le monde des besoins inutiles. C'est donc cette route qui vacille actuellement sous mes pas... il ne tient plus qu'à moi de la stabiliser...

     

    plein hiver

    les mille fleurs ramassées en été

    tiennent dans ma main

     

    冬、夏に拾て千の花、私の手で保。

    ふゆ、なつにひろつてせんのはな、わたしのてでほじ。

     

     


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