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    Pays d'oiseaux, pays de lacs et de moustiques... Étendues perdues aux limites des pôles, marécages et pâtures de rennes laissent aux oiseaux la place de s'inventer... Voilà le pays des Samis, le battement de cœur des Lapons... Des frontières qu'on leur usurpe à coup de forages pétroliers, et de prospections de métaux en tout genre, aux couleurs qu'ils portent fanées, lorsqu'ils refusent le folklore humiliant qu'on leur propose en guise de survie, il traverse dans le regard de ce peuple échoué les souvenirs d'une culture où les rochers, les arbres, les rennes, le ciel, sont porteurs de tout le savoir et de toute la sagesse du monde. Ils chantent leur mémoire en regardant cette frontière mythique que le Vidda d'hier leur offrait avec respect et générosité... Ils font naufrage en silence. Dans ce pays le jour et la nuit ont la fatalité des extrêmes... leurs larmes se mêlent à la glace figeant leur détresse pour l'éternité.

    Dans quelques semaines, j'userai mes guêtres et porterai mes jumelles sur ces étendues démesurées... à la recherche de poésie à peindre et à écrire, et peut-être aussi  dans ce Vidda inconnu, à la recherche d'un ancêtre très lointain que mes gênes trahissent depuis que je suis née. Il me reste à faire au moins une fois ce chemin, vers un de mes oubliés.

     

     

    Jon face aux vents

     


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  • Rompant le silence flottant entre le jour et la nuit, les cigales remplissent l'espace sonore sans aucun autre objectif  que celui d'arriver au terme de leur vie tout en beauté. Leur dernière métamorphose accomplie, il ne leur reste qu'un soupçon de temps pour pérenniser leur espèce.

    Entendre, voir, regarder, respirer sont des réflexes de survie qui nous permettent de comprendre le monde qui nous accueille. On sent un événement avant de l'entendre, on entend une information avant de la voir. Il nous faut être attentifs à tout. Organiser notre existence en fonction de nos sens est un principe fondamental de survie, un savoir faire qui nous conduit à la dignité humaine.

    Le monde est un livre ouvert ou la seule communication réelle qu'il enseigne est celle qui éveille  notre conscience.

    La moindre odeur, le moindre bruit, traduit chaque matin avant que je ne sorte de la yourte, les petites choses de l'extérieur. Sans rien voir je sais jusque dans le moindre détail, tout ce qu'il s'y passe. Cette disponibilité  élargit mes pensées vers l'instant vivant. L'instant précieux, qui me dit ce que je dois faire ou ne pas faire... L'instant essentiel qui m'offre tout au long de mon existence une place ordinaire dans cette dimension.

    Comme une vieille "indienne" perdue dans un monde où ses incantations ne fonctionnent plus, j'attends que le vent me colporte les dernières inspirations des résistants.

     

     


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  • Poussant la nuit sans fraîcheur derrière ses retranchements provisoires, le jour s'impose brutalement sans variation. Chaud, écrasant il accomplit son cycle d'heures interminables. Il est tôt, très tôt, la vallée semble dormir d'un sommeil dont elle ne se réveillera peut-être jamais. Son repos est de celui qui accuse les conditions trop pénibles de vie dans ce pays reculé, forçant les habitants à le quitter. Je n'entends plus les moutons du mas du petit vallon, ni le chien qui les gardait. Les éleveurs sont partis tellement vite qu'ils ont abandonné une partie de leurs affaires autour de la maison. Envahissant lentement tout espoir de changement, les herbes folles et les ronces, désenchantent déjà le lieu.
    Se faufilant entre les rangs de tomates que j'attache, un vent venu des crêtes passe entre mes jambes et remonte sur mon dos déjà en sueur. Je reçois cette douceur comme un souffle des dieux. Au bout du jardin le chien tend son museau, saisissant au passage de ce courant d'air, toutes les odeurs vagabondes.

    Je monte d'un cran le rythme du travail... Je sais que le soleil ne tardera pas à s'emparer de ce versant exposé. Cette réalité intimide même les moucherons qui dans une dernière action directe prennent d'assaut les moindres bouts de peau à découvert. Je ferme la bouche, plisse les yeux et attends que le vent les désoriente.

    Les scaroles font des fleurs d'un bleu puissant, cela me donne envie de refaire des cuves de teinture... envie de voir surgir les dimensions chromatiques des plantes tinctoriales, la surprise d'un bain qui dévoile  ces jaunes, ces oranges, ces verts et  ces bleus éclatants.


    Je me sens en convalescence d'un monde qui décline... Dématérialisant mes pensées nuisibles extra-productives que mon cerveau génère sans compter,  je respire avec délivrance ce vent des dieux matinal qui me pousse vers le large.


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