• il fait encore nuit, et dans cette obscurité toute relative, se prépare une nouvelle journée dans ces montagnes perdues. Il m'en reste deux à passer avant de redescendre en ville. Mes passages urbains sont de plus en plus courts, de plus en plus sibyllins. L'appartement où je passe mes rares instants citadins, est entouré d'oiseaux, mais ils n'ont pas la liberté de ceux des montagnes, et par excès de bruits nombreux et variés qui les parasitent, l’énergie qu'ils mettent à se faire entendre,  me donne le vertige.

    Je me replie sans cesse là où mon cœur, me conduit... sans vague et sans histoire, je reviens toujours à mes origines... celles d'une petite fille qui n'a jamais su quitter la vie sauvage qui l'a aidée à grandir. Je n'ai plus de domicile "vraiment" fixe et m'en vois ravie... De lieu en lieu, j'essaie d'apporter mon aide et mon soutient aux proches qui me le rendent généreusement. Tous les jours mon envie de vivre décuple avec le sentiment de vieillir sans ravage... Tous les jours ma soif de connaissance stimule ma volonté de  mourir un jour sans ombrage.

    ça y est, le jour se lève,  il me faut retourner nourrir les bêtes...

     

    d'un jour à l'autre

    se rallonge l'ombre du cèdre

    toujours penché

     


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  • pic épeiche ! ... oui, c'est bien lui que j'entends marteler avec obstination le tronc d'arbre au dessus du jardin... les insectes circulent en mode de printemps. Sittelles et pics en tout genre loin d'être ignorants sur l'étonnante douceur hors saison, s'en remplissent le ventre.  Le jour se lève sans aucune contradiction, le ciel est toujours limpide et les sommets d'en face découpent avec la même pertinence les limites de l'horizon... la nuit tombe un peu plus tard... Dans le jardin les aulx plantés en décembre, percent la terre cendrée sans s'exciter... tout  évolue au rythme d'une saison hors du temps... j'ai l'impression d'être la seule à m'en étonner... mais comme pour tout ce qui respire autour de moi,  je me laisse offrir sans aucune résistance les mêmes plaisirs, les mêmes délices... Derrière le bardage de l'atelier, les chauves- souris négocient leur sortie, mais il est vraiment trop tôt pour cela, et aucune ne se décide vraiment... Adaptation ou pas, les animaux s’accommodent de ce qui leur est offert, sans préjugé, sans inquiétude, juste avec ce qu'il faut de lucidité pour ne pas se laisser détourner par la situation...

     

     soleil de midi

    l'hiver a perdu son défi

    tout le monde somnole

     

     

     


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  • aujourd'hui、le bleu du ciel est d'une telle intensité, qu'à travers les grandes baies vitrées de l'atelier,  mes yeux ne cessent de se déconcentrer. Difficile de résister à cette couleur d'hiver... difficile de ne pas laisser errer son esprit dans cette homogénéité accomplie. Versant Sud-Ouest, la terre et le roc renvoient ce que le soleil leur offre... une chaleur que l'on souhaiterait de printemps... Le coq nègre-soie, veillant sur les poules avec témérité, chante sous les châtaigniers. Renards et blaireaux ne sont jamais très loin, la liberté a un prix, et il sait, même s'il est nain, qu'il doit à tout prix défendre sa tribu. L'âne, les yeux fermés, se charge de cette douceur hors saison avec un flegme que l'âge et le temps lui ont taillé sur mesure... Les abeilles séduites par tant de douceur sortent de leurs ruches cherchant de quoi butiner... mais les fleurs sont les grandes absentes de cette journée de chaleur... et les faiseuses de miel doivent désespérément s'en retourner le ventre vide... 15 h 55 le soleil passe derrière la montagne... il faut qu'il s'élève encore un peu pour dépasser ces mille mètres qui s'imposent comme une fatalité et permettre aux habitants de la vallée de bénéficier en un seul effort d'une heure de plus de chaleur.

     

    à la limite de l'indigo

     coin de ciel

    derrière la vitre

     

    藍の限界、空の隅ガラスの背後にある

    ai no genkai sora no sumi garasu no haigo ni aru

     

     

     

     


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  • le jour se lève  sur le versant d'en face. J'ai quitté les montagnes de l'Est pour celles un peu plus du Sud. Il y fait moins froid, mais le feu dans la pièce où je dors s'est éteint ... enfilant mes couches de vêtements comme un oignon en prévision d'un froid légendaire, je rallume le poêle de la maison... le bruit du bois qui crépite me monte à la tête et me redonne vie... D'abord les poules, puis le vieil âne, à chacun son lot de nourriture et de mots doux pour la journée. Mon regard s'égare sur la tombe du chien creusée au pied du cèdre.

    Seule dans ces montagnes d'hiver... le temps est un ami précieux qu'il faut sans cesse flatter. Appliquant la majeure partie de sa cadence avec une rigueur indiscutable, il m'annonce que à force d'accumuler les minutes d'ensoleillement derrière les nuages, il m'a permis de gagner une demie heure supplémentaire sur ma journée. Mon espace imparti aux tâches quotidiennes se rallonge, cela me convient parfaitement. De plus dans sa grande générosité, le soleil aujourd'hui, me fait grâce de sa présence. Déclinant sa lumière entre les arbres nus, il semble m'inviter au travail...  je ne saurais résister à tant d’encouragement et repars à mes occupations, comme un moine à ses prières... le cœur sans attache...

     

    au pied du cèdre

    où il a pissé

    la tombe du chien

     

     

     

     


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  • ciel de neige dans une forêt aux contrastes accentués par les soixante centimètres de blanc qui l'enveloppent... j'ai l'impression de marcher dans une estampe de maître fraîchement terminée. Peinture de saison, l'artiste n'a pas oublié d’effacer son emprunte.  Il n'y a  pas de vent pas de bruit... le silence est tellement intense que je perçois mes pensées comme un chuintement intérieur... Le crissement des raquettes s'enfonçant dans la neige se conjugue avec celui plus profond de mon compagnon de marche. Tantôt loin, tantôt près l'un de l'autre, les bruits de nos pas s'accordent avec la fatigue qui s'accentue dans la montée... Les pensées houleuses du départ se sont dissipées dans ce monochrome glacé. Tête vide, je continue à marcher dans les pas de mon compagnon.  Le brouillard cristallise l'eau autour de nos cheveux, la tresse qui sort de ma capuche se garnit de glace...  il n'y a pas de vent... les  traces de toute vie semblent avoir été absorbées par la neige et les nuages... Pourtant quelque part, sous les couches qui s'accumulent, se préservent celles que je devine plus sauvages, plus rebelles,  plus secrètes... Dans les arbres, dans le ciel, dans la neige encore poudreuse je soupçonne leurs présences passives...

     

     rumeur de neige dans le sous bois...

    les arbres gardent une couleur d'encre

     

     

     


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