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derrière le portail rouillé, le jardin repose sous l'immense tilleul. La maison, trop vieille pour qu'on se souvienne de son absence, attend aphone que nous poussions la porte gonflée par les premières averses de l'automne... Il pleut. Le ciel sombre pointe au dessus du toit son noir menaçant des jours de colère... Mais aucune contrariété ne le provoque et la nuit se présente plus calme que prévue.
Un tour de clé, et la maison s'ouvre dans un frottement feutré... Les deux enfants qui m'accompagnent se réfugient derrière moi, impressionnés par la hauteur des plafonds et la grandeur des pièces... Dans cette ancienne bâtisse de maître, le temps s'est agrippé aux meubles cirés et aux rideaux empesés... Les parquets grincent, les portes chuchotent, les armoires soupirent, les lits emprisonnent sous leurs draps tendus des amours pudiques. Dans le grenier une autre génération de jouets repose sur les étagères... L'odeur de plus d'un siècle et demi d'histoire imprègne chaque grain de poussière et dans la lumière du soir les ombres s'étirent sur le relief des vieilles pierres. J'allume la cheminée, les deux enfants déposent leurs bagages dans la salle de séjour. Ils ne sont pas habitués à entendre les murmures que provoque notre présence entre ces murs paisibles... Sur le balcon les chats miaulent effrontément... dans le noyer une chouette marque son territoire... Premiers rires d'enfants, les tapisseries ternies par manque d'obscurité frémissent... Pendant que le repas chauffe dans la cuisine, la maison nous apprivoise tranquillement, et nous ouvre son âme pour nous laisser entrer en elle sans résistance.
bol de soupe chaude
le regard indéfini
de l'enfant
dans le même lit
un peu inquiets
les deux enfants se racontent des histoires
flétri
le jardin a perdu son élégance
de l'été
un rang d'ails
un rang de petits pois
semis d'automne
le tilleul se sépare de ses feuilles
lassitude du vieux banc
la peinture craquelle
sous l'arbre centenaire
après le travail
mon dos fatigué
tout contre le vieux banc
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C'est le temps du changement, le temps des couleurs, le temps de la lumière désordonnée, le temps du flottement, le temps de la clairvoyance, le temps du retrait... Le rouge éclatant des érables, et des hêtres donne le dernier ton de chaleur au ciel... Quelques oiseaux indécis se décident en urgence de rejoindre leurs terres d'exiles.
là-bas au Japon cet évènement tout comme Hanami, est un instant de fête nommé Momijigari...
coup de vent
les feuilles se perdent
dans l'air
relevant leurs branches
la résistance
des arbres nus
flottement
provisoire
du monde
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dans certaines régions de France, la rosalie est un coléoptère menacé. Il n'est pas très facile d'en rencontrer... mais lorsqu'il veut bien nous faire cadeau de sa présence et de son bleu somptueux, nous ne pouvons qu'être stupéfaits devant tant de beauté et de perfection... La rosalie porte sur toute la longueur de ses antennes, de petits pompons de soie d'un noir intense qui souligne la profondeur du bleu de son corps...
le monde des insectes me fascine à son tour... avec les oiseaux toujours autant présents dans ma vie, j'associe peu à peu cette nouvelle dimension.
Peindre les insectes n'est pas une mince affaire... il m'a fallu presque trois mois, pour arriver à saisir l'esprit de la rosalie... il m'a fallu près de trois mois pour comprendre le silence de son langage, et pouvoir enfin la représenter
ces insectes que l'on ignore
sans qui
nous ne pourrions vivre...
rosalie des alpes
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avant première le 12 /10/2011
tout commence par un problème de portage d'eau ... Nous sommes dans un pays du Maghreb, une région aride et déserte, un village, perdu à flanc de montagne que les femmes gravissent quotidiennement pour chercher l'eau nécessaire à la communauté. Mais le chemin qui y mène est abrupt, difficile et rocailleux...Il arrive parfois que l'une d'entre elles, tombe et perde en silence l'enfant qu'elle porte... Cela dure depuis la nuit des temps, depuis que l'homme dans son intérêt aveugle, soumet la femme à ses volontés... Mais trop c'est de trop. Les temps changent ailleurs et partout. Le téléphone portable a pris sa place dans ces coins reculés, pendant que les femmes continuent, sous le regard des hommes paresseux, et des touristes en manque d'exotisme, de travailler comme des bêtes de somme. Puis dans l'ombre de la nuit, à l'insu de tout regard elles se font violer et battre sans ménagement.
la révolte gronde... les femmes s'endurcissent... elles surmontent les coups et les sarcasmes des hommes privés de l'essentiel. Parce que pour avoir gain de cause et imposer un autre moyen d'acheminer l'eau au village, elles décident de faire la grève de l'amour...
une femme ne vit pas sans eau, et encore moins sans amour. Elle ne peut aimer, que libre de toute contrainte... Ce film est un cri vers cette urgence... vers cet éminent besoin d'intelligence...
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par fragments, je reviens à cet étrange Japon, qui gangrène mon esprit... Je n'ai pas le moyen de l'apprivoiser, et de mieux le comprendre, j'ai tout juste le moyen d'en parler... Ce pays au mille facettes, qui se respire sous les volcans et dans l'inquiétude des tremblements, laisse en moi, comme une rupture de repères, que je ne cherche plus à reconquérir... Il flotte en moi une impression de rizière, de montagne, de mer et d'océan... une impénétrable sensation de déracinement donnant au vide une autre texture... une autre tessiture... un autre battement... et au plein, un équilibre encore plus précaire...
j'ai tout laissé là-bas... mes pinceaux, ne réagissent pas aux émotions que je souhaiterais partager, et l'écriture reste sans nerfs et sans profondeur... je suis dépossédée du peu que je savais faire... Mais je sens que lentement se développe à la place, une autre force que je ne sais pour l'instant ni identifier, ni utiliser... J'espère simplement, que ma pensée, mes mains et mon coeur, sauront en leur temps en faire quelque chose...
douleurs aux cuisses
le sentier sans lacets
s'éloigne en fumerolles
vu d'en haut
rizières minuscules
aux immenses forêts
retournant au travail
où sont-ils
ces arbres à saluer ?
j'entends leurs sourires
au loin
octobre
les oiseaux reprennent
leurs conversations
automne
les papillons fanent
avec les dernières fleurs
un peu de thym
fraîchement ramassé
tombe de mon sac
où ai je laissé mon coeur ?
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qu'est ce que le voyage ? un déplacement du corps et de l'esprit dans une dimension inconnue... une illusion qui enchaîne un semblant de réalité ? une mise à mort de ragots reçus par des colporteurs désinvoltes ? une mise à nue de ses propres limites ? Un plein qui se vide...? un vide qui s'absorbe dans le mystère d'un pays qui tend l'oreille vers des éléments improbables...? qui saurait le dire ? qui pourrait prétendre définir ce qui ne se comprend pas ?...
Le Japon garde ses secrets... Au quotidien, les Japonais défendent leur archipel, en le rendant quasi inaccessible aux étrangers... Pour cela, il leur suffit de parler une des langues les plus compliquées du monde et de ne s'exprimer qu'avec celle-ci... Déjà très compliqué dans les grands centres urbains, il est très périlleux de vouloir parler autre chose dans le reste de l'archipel... Et pourtant, les Japonais sont des personnes chaleureuses, pacifiques et tranquilles... Serviables et bons vivants, ils rendent très facilement services. Tout en sourires et tout en courbettes ils dissimulent sagement leurs émotions... L'ojigi, qui consiste à adresser la parole aux gens, en inclinant la tête, devient vite une pratique pour les gaijin (les étrangers)...
les Japonais apprécient qu'on admire la beauté de leur paysage... Jamais, nous n'avons parlé de Fukushima... cela ne semblait tout simplement pas possible... comme si cette catastrophe avait érigé une barrière insurmontable de tabous. Le drame habite chaque habitant de l'archipel, leur rappeler, n'aurait éveillé qu'une blessure supplémentaire... Dans cet océan aujourd'hui saturé de pollution, les hommes continuent de pêcher et de consommer les innombrables richesses que dispensent ces eaux devenues sinistres... Que leur reste t-il, derrière les mensonges, derrière le déni et le mépris que les responsables du nucléaire leur accordent ?... que leur reste-t-il pour nourrir leurs enfants ?... combien de temps encore leur soleil se lèvera t-il dans l'épaisseur de cet insupportable doute ?
survolant trop haut
Fukushima
les centrales muettes
au loin des bateaux de pêche
la baie de Sendai
repose ici
silence
dernier regard sur l'île
de plus en plus petite
j'ouvre mon livre
à la page 25
le contour d'une feuille d'érable
sèchée
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